Article 318 : réduire la dissidence au silence

«Article 318

1. Les personnes qui incitent, suggèrent ou font une propagande qui aura pour effet de décourager les gens d'accomplir le service militaire seront condamné à une peine d'emprisonnement de six mois à deux ans.

2. Si cet acte est commis à travers la presse et les médias, la peine sera augmentée de moitié.»

Depuis le début même du mouvement antimilitariste en Turquie, les antimilitaristes turcs n'ont pas seulement eu à se soucier des persécutions pour refus de rejoindre l'armée, mais aussi de celles pour s'exprimer contre le militarisme. En fait, la plupart des poursuites contre les antimilitaristes turcs se faisaient selon l'article 155 du Code pénal turc, ayant pour titre « éloigner la population de l'armée ». Récemment, dans le cadre de la modernisation du Code pénal turc, en vue de satisfaire aux demandes de l'Union européenne, l'article a reçu un nouveau numéro : c'est maintenant l'article 318. De toute façon, le contenu n'a pas changé de manière significative.

Quand Tayfun Gönül et Vedat Zencir ont déclaré les premiers leur objection de conscience en 1989, ils n'ont pas été poursuivis et condamnés pour refus du service militaire, mais sous l'article 155. De même, les premiers militants de l'objection de conscience, objecteurs de conscience eux-mêmes, et les journalistes qui les interviewaient, étaient poursuivis et souvent condamnés sous l'article 155. Un cas important des débuts a été celui d'Erhan Akyildiz et d'Ali Tevfik en 1993. Tous deux ont été jugés parce qu'ils avaient interviewé Aytek Özel, président du SDK et objecteur de conscience, pour la chaine HBB, le 8 décembre 1993. Le producteur Arhan Akyildiz et le journaliste Ali Tevfik Berber ont été arrêtés sur l'ordre du chef de l'état-major et jugés par un tribunal militaire - c'était la première fois que des civils étaient jugés par un tribunal militaire. Des mandats d'arrêt ont été lancés contre Aytek Özel et les objecteurs de conscience. Erhan Akyildiz et Ali Tevfik Berber ont eu la peine maximale de deux mois d'emprisonnement, et Aytek Özel, qui a été déféré devant le tribunal militaire d'Ankara le 8 février 2004, a été condamné à un an et quinze jours d'emprisonnement. L'élément important de ce cas est le fait qu'après que la Cour de sécurité de l'État se soit déclarée incompétente, la voie était ouverte pour que des civils soient jugés par des tribunaux militaires.

Également dans le cas d'Osman Murat Ülke, premier objecteur de conscience a être emprisonné pour son objection de conscience, les premiers procès qu'il a dû affronter - et les premières sentences qui ont été prononcées contre lui - étaient en lien avec l'article 155. Le premier procès, qu'il a subi après son arrestation le 7 octobre 1996, était à propos de l'article 155 - éloigner la population de l'armée en brûlant publiquement ses papiers militaires et en se déclarant objecteur de conscience.

Plus récemment, depuis la prétendue « réforme pénale », il y a eu plusieurs cas de poursuites sous l'article 318. Ces cas comprennent : - Doghan Özkan, un militant de la plate-forme de l'objection de conscience de la branche d'Istanbul de l'Association des Droits de l'Homme (IHD), a donné un appel public à la presse le 12 décembre 2004, et a pour cela été condamné à cinq mois d'emprisonnement le 20 septembre 2006. La sentence a été commuée en une amende de 3 000 livres turques. On attend toujours le jugement en appel. - Perihan Magden a été poursuivie pour violation de l'article 318 pour un article « L'objection de conscience est un droit de l'homme », publié dans Yeni Aktuel le 27 décembre 2005. Elle a été acquittée le 27 juillet 2006, parce que le tribunal a soutenu le droit à la liberté de parole et d'expression. - Birgul Ozbaris, un journaliste du quotidien Ozgur Gundem, a été poursuivi pour sept violations distinctes de l'article 318. Au total, il doit faire face à vingt et un ans d'emprisonnement. - Gökhan Gencay, un journaliste du quotidien Birgün, a été poursuivi pour violation de l'article 318 en raison d'une interview de l'objecteur de conscience Erkan Bolat, publiée le 10 octobre 2005. Son cas a été malgré tout écarté par la Haute cour criminelle. - Halil Savda n'est pas seulement confronté à des poursuites pour son objection de conscience, mais a aussi été poursuivi sous l'article 318, parce qu'il a lu une déclaration de solidarité avec les objecteurs de conscience israéliens devant le consulat d'Israël à Istanbul.

Il est évident que l'article 318 (et précédemment l'article 155) sont utilisés pour réduire les dissidents au silence. Toute critique de l'armée turque peut conduire à des poursuites et à une peine de prison sous l'article 318. Pour cela, un débat ouvert sur le rôle de l'armée dans la société turque est à-peu-près impossible.

L'article 318 stipule une condamnation maximale de deux ans d'emprisonnement, et trois ans dans les cas ou le « crime » a été commis par le canal de la presse. De cette façon, en juin cette année, l'article 318 a été inclut dans le code antiterroriste turc, qualifiant l'objection de conscience de « crime organisé » et de « danger », et augmentant effectivement la peine possible à quatre ans et demi d'emprisonnement.

Les antimilitaristes turcs ont maintenant commencé une campagne contre l'article 318, demandant qu'il soit aboli, et que tous les procès en cours soient terminés sans délais. Un soutien à cette campagne est le bienvenu.

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