Singapour

Mise à jour de février 2016

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Problèmes

  • L’objection de conscience n’est reconnue ni par la loi, ni en pratique.

  • Ceux qui refusent de s’enrôler risquent la prison à répétition.

1. La conscription

La conscription existe.

La conscription a été mise en place en 1967, peu après la scission entre Singapour et la Malaisie, en 1965. La base légale actuelle pour la conscription est la Loi sur le Service National de 1967.

La politique de défense de Singapour est fondée sur le concept de défense totale. Le principe directeur de la défense totale est que tous les Singapouriens ont une responsabilité partagée en ce qui concerne la défense de leur pays. L’implication de tous les citoyens dans la défense de leur pays est perçue comme essentielle par les autorités Singapouriennes, étant donnée la petit taille du pays. La défense totale comprend la défense psychologique, sociale, économique, civile, et militaire1.

Selon le gouvernement singapourien, la défense militaire implique de faire en sorte que « les forces armées singapouriennes restent fortes, alertes, et cordiales ».

L’objectif de la défense civile est qu’en cas d’urgence la population soit entraînée et préparée à une réponse armée. La force de défense civile est une force paramilitaire et dispose d’unités dans chaque circonscription. Elle est forte de 105 000 membres, la plupart d’entre eux étant des volontaires. En temps de paix, les membres de la force de défense civile sont entraînés dans des services d’urgence tels que des brigades de lutte contre les incendies ou des ambulances « en service », mais on leur fait également suivre une formation militaire.345

Le service militaire

Tous les hommes entre 16 ans et demi et 50 ans ont la responsabilité d’effectuer un service militaire (en réalité, la loi ne précise pas que seuls les hommes doivent le faire, mais les pronoms utilisés dans la loi sont tous masculins, et en pratique seuls les hommes sont enrôlés).6

La durée du service militaire est de deux ans, deux ans et demi pour ceux dont le rang est supérieur à celui de caporal.7

A partir de 2016, les forces armées de Singapour comprennent 39 000 conscrits. 3500 conscrits supplémentaires servent dans la Force de Police de Singapour, incluant la gendarmerie maritime. Les conscrits servent aussi dans la Force de Défense Civile paramilitaire. Singapour a également plus de 30 000 membres « réguliers » des forces armées et de diverses forces paramilitaires (qui ne sont pas des conscrits).

L’obligation de faire partie de la réserve s’applique jusqu’à l’âge de 40 ans, voire 50 ans dans le cas des officiers et de ceux qui ont été formés à des postes spécifiques. Le service de réserve comprend la formation militaire et des exercices de mobilisation sur une durée qui peut aller jusqu’à 40 jours par an. Le service peut être effectué dans la force de défense civile.8910

En 1993, le gouvernement a remplacé le terme de « réserviste » par « militaire en service national prêt à être opérationnel », afin d’insister sur le fait que les unités réservistes sont considérées comme des unités actives. Les « militaires en service national prêts à être opérationnels » qui excellent dans les tests d’aptitude physique gagnent des prix qui consistent en des sommes d’argent.1112

Le report et l’exemption de service militaire

Il n’y a pas de règles claires qui permettent le report et l’exemption. Selon la section 28 de la loi de 1967, « L’autorité compétente peut, par voie de notification, exempter quiconque de tout ou partie de tel service selon la loi » (le terme d’ « autorité compétente » désignant les autorités militaires). En outre, le règlement n°25 des règlements sur l’engagement militaire prescrits par la loi de 1967 précise les points à prendre en compte lorsque sont considérées des candidatures à l’exemption : « (a) les nécessités de la défense, de l’économie et du système éducatif de Singapour ; (b) si le candidat ou des membres de son foyer font face à des difficultés exceptionnelles ; (c) si les responsabilités entrepreneuriales ou intérêts commerciaux du candidat ne peuvent être poursuivis en son absence ».13

On ne sait pas comment ces considérations sont interprétées en pratique, ni à quelle fréquence l’exemption est accordée. Il semble que l’exemption soit accordée uniquement sur raisons médicales, à ceux qui ont un casier judiciaire, et à ceux qui peuvent prouver que leur enrôlement engendrerait des difficultés pour leur famille.14

Le gouvernement de Singapour a explicitement déclaré : « Aucun Singapourien physiquement apte n’est exempté du service national, car tout Singapourien bénéficie de la paix et de la sécurité que le service national aide à garantir ».15

Le recrutement

Selon la Loi sur l’Engagement, l’engagement obligatoire ne peut pas prendre place avant le dix-huitième anniversaire, mais l’engagement volontaire peut démarrer à tout moment après l’inscription et l’examen d’aptitude physique qui a lieu à l’âge de seize ans et demi.

Cet âge précoce d’engagement est contraire à l’Article 2 du protocole optionnel de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) sur les enfants dans les conflits armés, que Singapour a ratifié. Depuis 2011, Singapour est l’un des seuls Etats (18 au total) à autoriser légalement le recrutement militaire avant l’âge de dix-sept ans.16

2. L’objection de conscience

Le droit à l’objection de conscience n’est pas reconnu par la loi, et il n’y a pas de dispositions concernant un service de substitution.17

Selon le gouvernement : « tous les Singapouriens de sexe masculin, sans distinction de race ou de religion, sont censés faire leur service militaire pour défendre leur pays. Singapour ne peut faire d’exception pour aucun groupe. Aucun Singapourien ne peut être autorisé à faire référence à une raison qui l’exempterait de devoir contribuer à l’effort de défense nationale, car chaque Singapourien bénéficie de la paix et de la sécurité que le Service National aide à garantir ».18

On sait que de nombreux témoins de Jehova ont refusé de faire leur service militaire. Ils sont jugés en cour martiale le plus souvent condamnés à 12 ou 15 mois de détention militaire. Ils sont ensuite appelés à nouveau. Un second refus de se plier aux ordres militaires a pour conséquence une nouvelle arrestation, ainsi que des accusations, et une garde à vue qui précède un second jugement en cour martiale, lequel entraîne deux autres années de détention. Cela signifie qu’au total, la sanction pour refus d’effectuer le service militaire est de trois années d’emprisonnement.19 Cela va clairement à l’encontre du principe de « ne bis in idem » (une personne ne doit pas être punie plusieurs fois pour le même délit). Cependant, il semble qu’il y ait eu par le passé des objecteurs de conscience à qui l’on ait proposé des affectations compatibles de fait avec leurs objections.20

Depuis 1972, les témoins de Jéhovah sont considérés comme un groupe religieux illégal par les autorités Singapouriennes. Le gouvernement a décidé qu’ils représentaient une menace à l’encontre de la loi et de l’ordre public, bien que l’on pense que la vraie raison derrière leur prohibition est le refus des témoins de Jéhovah d’effectuer le service militaire.21

Singapour n’a pas ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), selon lequel cette situation serait clairement considérée comme une entrave à l’article 18. Néanmoins, elle est aussi contraire à l’article 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH), que Singapour a approuvée.

3. L’esquive de la conscription et la désertion

Sanctions

Selon le Paragraphe 4 (2) de la Loi sur l’Engagement22, toute personne qui, sans excuse légale, ne se présente pas pour l’inscription lorsque sommée de le faire, si preuve il y a, est passible d’une amende pouvant s’élever à 10 000$S (environ 7000$ américains, au cours de change de 2016), ou à une période d’emprisonnement d’une durée maximale de trois ans, ou les deux. En outre, la cour peut lui ordonner de se présenter à l’inscription pour ou avant une date spécifique, après laquelle il peut encourir une nouvelle amende dont le montant augmente de 50$S par jour (35$ américains).

En pratique

Les détails concernant le nombre de conscrits n’ayant pas répondu à l’appel et la façon dont les esquives de la conscription sont contrôlées ne sont pas connus à ce jour.

Etant donnée la nature autoritaire de l’Etat singapourien et la sanction sévère portée à l’encontre des témoins de Jéhovah, la répression de l’esquive de la conscription semble être assez rigoureuse.

Tous les citoyens de sexe masculin, résidents de manière permanente à Singapour, et âgés de 13 à 40 ans (50 ans dans certains cas) doivent être en possession d’un permis de sortie du territoire, accordé par le Conseil des Forces Armées, pour pouvoir quitter Singapour ou résider à l’extérieur de Singapour. Ceci interfère gravement avec la liberté de mouvement garantie par l’Article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH). Après dix ans d’absence non autorisée, ils peuvent être déchus de leur citoyenneté, ce qui est contraire à l’Article 15 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH).

4. Histoire

Singapour fut une colonie britannique jusqu’en 1959, lorsqu’elle est devenue autonome au sein du Commonwealth. En 1963, Singapour s’est unie avec Malaya, Sarawak et Sabah pour former la Fédération de Malaisie. Les tensions entre les Malais, qui ont l’ascendant dans la Fédération, et les groupes d’origine chinoise, qui dominent à Singapour, ont conduit à la scission de Singapour et de la Malaisie en 1965. Les tensions ethniques en Malaisie ont notamment été nourries par le refus de nombreuses personnes d’origine chinoise d’effectuer le service militaire (voir : Malaisie).

Peu après la scission avec la Malaisie, le gouvernement a décidé que mettre en place un service militaire obligatoire était la meilleure façon de développer les forces armées du pays. Selon certaines sources les dirigeants auraient été impressionnés par les « petites » forces armées régulières d’Israël, soutenues par une force de réserve conséquente, et ils pensaient que le développement de ce type de forces armées favoriserait la fierté nationale et l’autosuffisance. A cette période, Singapour avait des relations particulièrement tendues avec la Malaisie et l’Indonésie.23

Remerciements

Cette mise à jour de 2016 a été réalisée en conjonction avec le Mouvement International de Réconciliation (International Fellowship of Reconciliation), grâce aux recherches entreprises pour leur contribution de 2015 à la Revue Périodique Universelle (Universal Periodic Review) sur le Kirghizistan.

1 Ministry of Defence of Singapore 1997. National Service fact sheet 1997.

2 Ministry of Defence of Singapore 1997. National Service fact sheet 1997.

3 Ministry of Defence of Singapore 1997. National Service fact sheet 1997

4 Ministry of Information and the Arts of Singapore 1993. Singapore 1993.

5 Narayanan, Arujunan 1997. 'Singapore's Strategy for National Survival', in: Asian Defence Journal, 1/1997.

6 Ministry of Defence of Singapore 1997. National Service fact sheet 1997.

7 Ministry of Defence of Singapore 1997. National Service fact sheet 1997.

8 Ministry of Defence of Singapore 1997. National Service fact sheet 1997.

9 Ministry of Information and the Arts of Singapore 1993. Singapore 1993

10 Narayanan, Arujunan 1997. 'Singapore's Strategy for National Survival', in: Asian Defence Journal, 1/1997.

11 Ministry of Defence of Singapore 1997. National Service fact sheet 1997.

12 Interview with Lieutenant General Ng Jui Ping, in: Asian Defence Journal, 10/1994.

13 Regional Council on Human Rights in Asia 1989. ECOSOC, 28 November 1989.

14 Prisoners for Peace Day Supplement', in: Peace News, December 1997, London.

15 Ministry of Defence of Singapore 1997. National Service fact sheet 1997.

16 Child Soldiers International (formerly Coalition to Stop the Use of Child Soldiers), Louder than words: an agenda for action to end state use of child soldiers, London, September 2012, p53.

17 Amnesty International 1991. Conscientious objection to military service. AI, London.

18 Ministry of Defence of Singapore 1997. National Service fact sheet 1997.

19 Amnesty International 1995. Amnesty International condemns imprisonment of Jehovah's Witnesses. AI, London.

20 General Counsel of Jehovah’s Witnesses. Evidence submitted to the OHCHR in response to the questionnaire on “best practices concerning the right of everyone to have conscientious objections to military service”, August 2003, replies to questions 1,4 and 5.

21 Amnesty International 1995. Amnesty International condemns imprisonment of Jehovah's Witnesses. AI, London.

22 Act 25 of 21st May 1970, amended on numerous occasions, most recently by Act 16 of 19th April

2001. Text available at www.wri-irg.org/en/system/files/2001-Enlistment-Act.pdf

23 US Library of Congress 1989. Singapore - a country report. Area Handbooks, State Department, Washington DC.

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