Le mercantilisme guerrier ou le militarisme néolibéral

Jordi Calvo Rufanges

Le mercantilisme guerrier peut être compris conjointement avec le cycle économique militaire qui est basé – comme la plupart des secteurs économiques – sur une logique néolibérale, une logique du libre marché, de la privatisation et de la réduction des réglementations. Cette logique entraîne des attitudes d’enrichissement personnel et de maximisation des bénéfices économiques dans le secteur de l’industrie de la défense, menant à ce que l’on appelle le militarisme néolibéral. D’autre part, le mercantilisme guerrier outrepasse le seul secteur de la défense et de l’armement. La guerre nécessite en effet une quantité de ressources qui vont au-delà des armes et des armées comme la logistique, le transport, la nourriture, le nettoyage, les services de traduction et la sécurité privée. Certaines guerres, menées par cupidité, visent non seulement l’accaparation du pouvoir mais aussi des ressources : le pétrole, le coltan, les diamants, et toute chose qui se vend et s’achète. Les profits économiques font en effet partie intégrante de la guerre et les guerres sont, vice versa, menées par profit.

Le système du mercantilisme guerrier : le cycle économique militaire

Le cycle économique militaire, aussi appelé « le cycle des armes », répond à une perspective économique de l’économie de la défense. Dans tous les cas, ces deux noms renvoient au cycle qui détaille les étapes empruntées par la production d’armes, depuis la décision d’allouer un budget militaire public pour couvrir le besoin présumé d’armes jusqu’à leur usage final.

Le commencement réel de ce cycle naît au sein des débats et des discours qui légitiment le besoin d’armement et d’armées en fonction de menaces perçues contre la sécurité et la défense d’un pays de manière à en justifier le haut niveau de militarisation et d’armement. Les doctrines sécuritaires développées par les gouvernements – qui sont directement influencées par les centres de recherche sur la défense, la sécurité, le conflit et la paix, communément identifiés comme des groupes de réflexion – influent donc sur le niveau d’armement et de militarisation d’une société.

Mises à part les influences permanentes ou occasionnelles de ces groupes de réflexion sur les politiques d’un pays, le besoin de maintenir des forces armées dépend aussi de la culture de défense, de la militarisation de l’éducation, de l’histoire et des traditions militaires et d’armement, ainsi que de la tolérance des armes de chaque société. Le rôle de la société civile et le fait que les mouvements sociaux peuvent également jouer un rôle dans la détermination du niveau d’armement et de militarisation d’un pays est un aspect qui donc également être pris en compte.

Le besoin présumé d’entretenir des forces armées ouvre la voie à des décisions politiques intimement liées au cycle économique militaire (ou « cycle des armes »), à des résolutions sur le budget militaire qui instaurent certaines mesures en vue d’alimenter certain types de discours, doctrines, et autres points de vue sur les besoins défensifs d’un pays. Les dépenses militaires incluent la recherche et le développement de nouvelles armes et leur production par l’industrie de la défense qui est partiellement financée par le budget public. Quand il s’agit de dépenses militaires, de la recherche et du développement militaire, des entreprises et industries militaires et d’achat d’armes, donc, il faut non seulement prendre en considération les budgets de la défense des états mais aussi les budgets d’autres ministères tels que de l’industrie. C’est ensemble qu’ils financent tout le cycle du secteur militaire. Les autres éléments qui entrent dans ce cycle sont le commerce des armes qui recouvre les institutions financières qui alimentent le cycle entier, ainsi que les actionnaires d’entreprises militaires qui financent les opérations industrielles et le commerce des armes.

Le rôle actif du complexe militaro-industriel dans le mercantilisme guerrier

Le terme de « complexe militaro-industriel » a été popularisé par Eisenhower dans son discours d’adieu en tant que président américain en 1961 en référence aux lobbyistes les plus influents à la Maison Blanche. Le complexe militaro-industriel est constitué de l’ensemble des personnes et des organisations commerciales et politiques qui ont le désir d’influencer les décisions de politique militaire, dont l’achat de matériel d’armement.

Un certain nombre d’entreprises et d’individus, dont les politiciens et les départements gouvernementaux liés aux entreprises militaires, sont impliqués dans ce complexe militaro-industriel qui peut s’étendre de l’industrie de la défense au commerce intérieur et étranger. Au niveau administratif, ils font partie du complexe militaro-industriel, et du haut commandement des forces armées qui ont des liens étroits avec l’industrie de l’armement et peuvent faire pression pour encourager l’augmentation de leurs armes et arsenaux d’équipement et influencer les politiques nationales et internationales. Quand il s’agit du bureau politique qui détient des responsabilités de défense, d’un membre des forces armées ou de la direction de l’industrie militaire (rôles parfois revêtis par un même individu), le phénomène de la « porte tambour » apparaît souvent au sein du secteur de défense.

Le cycle économique militaire peut engendrer des dynamiques politiques et économiques qui peuvent mettre un pays et son économie dans une position idéale pour ceux qui prennent avantage de ce cycle dans lequel l’économie de défense évolue de manière permanente en une économie de guerre. Il est important de comprendre ce cycle économique militaire dans son ensemble à travers les dépenses militaires, les industries d’armement, les exports et les financements. Enfin, les entreprises et individus qui ont un rôle actif au sein de ce cycle économique militaire constituent le complexe militaro-industriel qui profite le plus de la guerre.

Professeur en analyse des conflits et en économie de la défense à l’Université Ramon Llul, l’Université Jaumel et l’Université Oberta de Catalunya. Chercheur en économie de la défense, de la paix et du désarmement au Centre of Peace Studies Delàs. Membre du comité de l’International Peace Bureau.

 

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