Colombie : Recrutement illégal et objection de conscience
Les premières semaines de 2008, ont vu en Colombie une vague de « batidas » –des rafles– à l’encontre des jeunes dans des lieux publics tels les gares routières pour incorporer les insoumis ou quiconque ne pouvant présenter les papiers adéquats aux autorités militaires. Si c’est une forme usuel de recrutement en Colombie, des indications montrent montre le caractère anormalement élevé des « batidas » dans la province d’Antioquia.
La section colombienne de l’IRG, Red Juvenil de Medellin (Organisation de jeunes de Medellin) a dénombré plusieurs « batidas » en janvier et février.
Un témoin oculaire rapporte :
« Le 5 janvier à 17h30, un escadron de la 4ème brigade était présent dans les environs de Raizal, au coin des rues 77 et 31.
Ils ont commencé à contrôler motos, vélos et tout jeune venant a arpenter la rue… Ils ne sont pas arrivés en camion comme à leur habitude, emmenant leurs prises dans des bus. Cette fois, ils sont venus à pied, sans attirer l’attention... Ils déambulaient par petits groupes dans les rues du voisinage et parquaient alors les jeunes sur un terre-plein sablonneux : tous les jeunes de 16 à 20 dont ils disaient devoir clarifier la situation militaire. [...] »
C’est presque la procédure habituelle. Les jeunes sont ensuite emmenés en camion aux casernes, où leur situation sera vérifiée et la plupart sera recrutée – à moins d’être clairement inaptes au service militaire ou de détenir sur eux les papiers justifiant leur report pour étude ou leur exemption. Quoique ces papiers ne suffisent pas toujours.
Red Juvenil a reçu des témoignages similaires d’autres coin de Medellin, et de Barrancabermeja, tout au long de janvier et février 2008.
L’armée colombienne clame la légalité de ces pratiques. D’après l’article 50 du décret 2048, les officiers recruteurs ont le droit de faire des patrouilles pour rechercher les insoumis aux services militaires ainsi que ceux qui n’ont pas réglé leur situation militaire. Alors que –selon le décret– il peut être légal de contrôler les papiers, les suites habituelles sont à coup sûr illégales n’étant conformes ni au droit colombien, ni au droit international. D’après la loi, ceux n’ayant pas réglé leur situation militaire, peuvent y être contraint. Cependant, la pratique consistant à incorporer directement ceux ne pouvant présenter leurs papiers militaires prive ces jeunes de leur droit à une procédure légale équitable vu qu’il n’ont quasiment aucune possibilité de requérir l’exemption de droit, de soumettre toute preuve ou autre papier soutenant leur droit à être exempté, etc. Que les procédés de ce type sont illégaux a aussi été souligné par la commission interaméricaine des droits de l’homme lors d’une affaire de 1993 dans une décision concernant le Guatemala.
Une autre pratique usuelle indique la conscience des militaires concernant l’illégalité de ces incorporations d’office. L’Internationale des RésistantEs à la Guerre sait du fait de plusieurs cas, que ceux recrutés ainsi doivent signer jusqu’à trois documents sans vraiment pouvoir les lire (lire l’affaire Carlos Andres Giraldo Hincapie par exemple), signifiant : « sans motif d’ exemption au regard de l’article 28 de la loi 48/1999. » L’armée cherche par ces signatures à se couvrir contre les accusations d’incorporations forcées ou illégales.
Avec des suites différentes, l’objecteur de conscience de Bogotá, Alvaro Pena a du se présenter de lui-même au centre de recrutement de Bogotá le 12 février 2008. Pena s’était déclaré auparavant objecteur de conscience, le signifiant au centre de recrutement. Dans sa déclaration, il écrivait :
« Moi, Alvaro, je me déclare objecteur de conscience, car je suis conscient que la guerre ne finira que si nous sommes nombreux à réaliser que ni paix, ni coexistence saine et tolérante ne s’obtiendront par la violence. Je me déclare objecteur de conscience face à toutes les oppressions et violations des droits de l’homme. Je m’oppose à la participation à toute force armée qu’elle soit légale ou illégale. Je me positionne clairement comme refusant de prendre les armes pour résoudre des conflits et travaillerai à ce que le service militaire ne soit plus obligatoire et que la carte militaire ne soit plus nécessaire à toute démarche administrative. Ce positionnement n’est pas pour convenance personnel mais je pense au nombre de familles qui pourraient être nourries et voir leur besoin élémentaire remplis avec l’argent dépensé chaque jour pour la guerre. De plus, j’ai pu expérimenter la répression gratuite de la police. »
Bien que déclaré objecteur de conscience, l’armée colombienne est restée sur sa position dans sa réponse à la requête de Pena indiquant qu’il n’y a pas de droit à l’objection de conscience en Colombie, et qu’il devait se présenter le 12 février pour régulariser sa situation militaire.
Ce jour-là, Alvaro Pena s’est présenté de son plein gré. Le groupe des objos de Bogotá témoigne « Álvaro Peña, objecteur de conscience colombien, s’est présenté ce matin à 9h00 au bureau Villa de los Alpes´Coliseum, pour régulariser sa situation militaire. Tout la journée, parmi les millions de jeunes hommes qui ont été soumis aux forces armées, Álvaro a essayé d’expliquer sa position d’objecteur de conscience au commandant Dueñas, chargé des incorporations. Alvaró fut rabroué plusieurs fois et jamais écouté.
Finalement, Álvaro fut emmené avec 200 autres jeunes hommes qui n’avait pas pu régulariser leur situation dans une pièce fermée où ils sont restés jusqu’à 21h30, heure à laquelle ils ont été reconvoqués pour le lendemain à 7h00. »
Le lendemain, Pena s’est à nouveau présenté. Après plusieurs heures, l’armée a reporté son incorporation le convoquant pour le 20 mai 2008 afin de « régulariser sa situation militaire ».
Sources: Desde los primeros dias de enero el ejercito obliga a jovenes a ir a la guerra, enero de 2008, Relato de un joven que se niega a participar del ejercito, reclutado ilegalmente en Barrancabermeja, febrero de 2008, Reclutamiento de las fuerzas militares en los barrios populares de Medellín, enero de 2008, Reclutamiento forzado en el polideportivo de un barrio en Cimitarra, Magdalena Medio..., febrero de 2008, Accion Colectiva Objetores y Objetoras de Conciencia Bogota, emails des 13 et 14 février 2008.
Stay up to date with our international antimilitarist activism.
Ajouter un commentaire