L'insumision sous uniforme

KEM-MOC Bilbao

Pedro et Roberto regardent autour d'eux une fois passées les portes de leur régiment. Mais comment ont-ils pu en arriver là ? "Eh bien, on nous avait prévenu qu'être militant au MOC, ça n'était pas du gateau, mais devoir se mettre au garde-à-vous et essayer de comprendre les aboiements du sergent, c'est tout-de-même un peu trop demander!".

Ils acceptent la situation avec bonne humeur, ayant l'impression d'être les protagonistes d'un film surréaliste. Ils continueront de jouer au soldat encore quelque temps avant de se déclarer insoumis et de refuser de poursuivre leur service militaire.

Ils sont les premiers à mettre en pratique la nouvelle stratégie du MOC, élaborée l'été dernier, pour éviter que les insoumis ne tombent sous le coup de la nouvelle loi, appliquée depuis mai dernier. Les peines de prison (en général de 2 ans, 4 mois et 1 jour) ont été remplacées par la suppression de certains droits civiques, une forme de répression mieux déguisée, qui est non seulement plus dure, mais aussi plus difficile à exploiter politiquement. Pour limiter le mauvais effet de l'emprisonnement des insoumis sur l'opinion publique, le nouveau code pénal stipule que seuls ceux qui se déclarent objecteurs une fois le service commencé seront envoyés en prison. La stratégie du MOC consiste donc à pousser l'Etat à utiliser de nouveau cette forme de punition nuisant à son image ou à abandonner la conscription le plus vite possible.

Il ne fait pas de doute que le systême de la conscription s'éffrite un peu partout en Europe. Voilà pourquoi nous nous rendons bien compte au MOC que "l'inssoumission sous l'uniforme" n'est pas la solution idéale, quelle que puisse àtre son éfficacité vis-à-vis de la "répression de basse intensité" dont nous faisons actuellement l'objet.

Certains d'entre nous pensent que nous devrions cesser de travailler en priorité sur la conscription avant même son abolition totale. Il ne s'agit pas simplement de choisir de nouvelles campagnes, mais aussi de tirer les leçons de nos erreurs passées. Il est temps pour les mouvements d'objection de conscience d'analyser les problèmes issus de la nature même de la conscription. Par exemple, en dépit de nos prises de position, nous restons des organisations très dominées par les hommes. Nous avons encore tendance â nous complaire dans une mentalité de martyrs pour la cause. Nous continuons d'accorder trop d'importance à une justification individualiste de nos actions, aux dépends d'une analyse politique globale. Certains groupes - arguant une obligation morale de contribuer au bon fonctionnement de la société - ont compromis leur action au point de reconna"tre à l'Etatle droit d'imposer une forme de service à ses citoyens -- un raisonnement dangereux alors que les gouvernements européens envisagent d'établir un service social obligatoire pour tous.

Ces même gouvernements veulent s'assurer une "transition douce" vers l'armée de métier. Pour ce faire, ils doivent trouver de nouveaux arguments pour convaincre les gens qu'une défense armée, renforcée par de forts investissements dans l'industrie militaire de pointe/la haute technologie militaire, est nécessaire. C'est une des raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas nous permettre de laisser la conscription mourir de sa belle mort, sans souligner/l'impact social néfaste du système militaire dans son ensemble. Nous ne devons pas simplement refuser de porter l'uniforme. Nous devons aussi dévoiler les véritables motivations de ceux qui prônent désormais l'abolition de la conscription et opposer une critique sociale aux concepts militaires de l'intervention humanitaire, la sécurité, la gestion de crise ou du maintien de la paix.

Il ne nous sera pas facile de changer de cap. Certains d'entre nous seront d'avis qu'il est temps d'arrêter la lutte; d'autres se prononceront en faveur d'une réorientation de notre action vers l'objection fiscale, l'éducation pour la paix et les alternatives de défense civiles. La réalité sera en fait beaucoup plus complexe que cela. Cette transition est un processus que nous devrons aborder avec un esprit ouvert, afin de tirer profit des discussions menées sur le même sujet par d'autres groupes anti-militaristes à travers le monde et trouver de nouvelles voies vers la démilitarisation.

Traduction : Dominique Saillard
KEM-MOC, Iturribide 12-1°D, 48006 Bilbao, Euskadi, Etat espagnol (tél +34 4 415 3772; fax +34 4 479 0383; email betxea@lander.es).

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