Pour une approche culturelle sensible de la construction de paix en Afrique

Introduction

L’Afrique est perçue différemment par beaucoup de personnesa partout dans le monde. Certains y voient un continent de l’espoir avec des gens hospitaliers, souples et simples et plein de ressources naturelles – la plupart inexplorées. Pour d’autres, c’est un continent aux conflits insensés, plein de violence, de pauvreté, d’ignorance et d’autres choses du même tonneau. En vérité, l’Afrique offre des opportunités et des défis. Une façon d’y investir c’est d’entreprendre la construction de la paix afin de transformer les conflits et les relations négatives vers un potentiel pour la paix et la prospérité.

L’expression « construire la paix » a été popularise dès 1992 quand Boutros Boutros Ghali, alors secrétaire général des Nations Unies, présenta le rapport : Un ordre du jour pour la paix. Il l’a défini comme un champ d’activités destiné à identifier et soutenir des structures qui vont renforcer et concrétiser la paix dans le but d’éviter des rechutes dans les conflits, en introduisant une distinction entre faire la paix et garder la paix

Cependant, l’expression n’a pas été inventée par Boutros-Ghali, mais vingt ans plus tôt par le chercheur pacifiste Johan Galtung qui parlait « d’approches pour la paix ». Ensemble, faire la paix, la garder et la construire formulent une théorie générale pour obtenir ou maintenir la paix, En 1999, Miall et autres écrivaient :

« En se référant au triangle des conflits, il est possible de suggérer que les buts de “faire la paix” sont de changer les attitudes des principaux protagonistes, “garder la paix” de faire baisser le niveau de comportement destructeur et “construire la paix” d’essayer de surmonter les contradictions se trouvant aux racines du conflit. »

Il existe plusieurs approches et techniques pour construire la paix, telles que l’art ou la musique, le dialogue et la réconciliation, le sport et l’éducation nonviolente. Chaque approche a ses spécificités, significations et défis. Lisa Schirch écrit dans “Strategic Peacebuilding”:

« La construction de la paix cherche à prévenir, réduire, transformer et aider les gens à guérir de la violence sous toutes ses formes, y compris la violence structurelle, qui n’a pas encore conduit à de massives inquiétudes civiles. La construction stratégique de la paix reconnaît la complexité des taches requise pour bâtir le pacifisme. Elle devient stratégique lorsque ressources, acteurs et approches sont coordonnés pour atteindre des buts multiples et abordent plusieurs problèmes pour le long terme. Par conséquent, construire la paix requiert des approches diverses et bien coordonnées pour transformer violence et conflit en rapports et structures plus soutenables et paisibles. »

Importance de la culture pour construire la paix

Dans notre expérience, les projets pour construire la paix sont plus efficaces s’ils sont dessinés et adaptés aux besoins socioculturels, économiques et politiques des populations locales. Il n’y a pas de taille unique qui résolve les problèmes africains. Car chaque contexte est unique en Afrique et trouver des solutions africaines aux problèmes africains requiert des analyses et compréhensions des complexes cultures, valeurs, normes et traditions indigènes. Même à l’intérieur d’un pays donné, existent des différences culturelles : ce qui marche dans la communauté A échoue dans la communauté B. Par exemple, des communautés au Sud Soudan peuvent considérer que battre une femme est une expression de l’amour, alors que pour d’autres c’est de la violence. C’est pourquoi il y a un besoin de réaliser des recherches régulières et de mener des expériences pour partager et former afin d’élargir notre compréhension des cultures locales et de construire une sensibilité culturelle cohérente des approches destinées à construire la paix.

La construction de paix n’est pas quelque chose de nouveau en Afrique. L’histoire nous montre que c’est le berceau de l’humanité, ce qui suggère l’existence de riches et diverses ressources ou institutions autochtones pour la résolution des conflits depuis des millénaires.

Ce qui est nouveau c’est l’exportation et l’imposition de la construction de paix et le développement d’interventions fondées sur le projet libéral de paix. Aujourd’hui, la construction de paix est mise à l’ordre du jour des agences internationales, et sous la forme de “construction de paix d’après guerre”, à partir d’un concept de “paix libérale”, devient une idée standard des interventions militaires et des guerres internationales.

Selon Mark Duffield (2008), l’idée de paix libérale combine et associe libéral (au sens des dogmes contemporains économiques et libéraux) avec “paix” (actuelle politique de prédiction pour la résolution des conflits et la reconstruction sociétale). Ce point de vue reflète la notion que la guerre-qui-tord les sociétés peut et doit être reconstruite à travers l’utilisation de nombreuses stratégies étroitement reliées pour leurs transformations. L’accent est mis sur la prévention des conflits, leur résolution, les institutions constructives, incluant les prétendues élections démocratiques, et le renforcement des organisations de la société civile. Une revue de la littérature existante sur la construction de paix en Afrique (Mathew et autres 2004, Reychler 2001, Rupesinghe 1998), révèle une analyse limitée et restrictive pour la phase d’après conflit des guerres, qui a des prescriptions très limitée à court terme pour le retour à l’ordre et à la stabilité dans un pays qui a connu la violence armée (David, 1988).

Matières pour construire la paix

Depuis la fin de la guerre froide, l’Afrique a enduré sa part de guerres violentes. De nombreux conflits armés interethniques et politiques perdurent, but et accomplissement du pouvoir politique et économique. Des pays au sortir de longues guerres civiles expérimentent souvent des défis pour gérer les anciens combattants, groupes de miliciens et civils armés. Désormais, les conflits violents sont devenus des obstacles majeurs à la paix et au développement, particulièrement dans les pays fragilisés par l’après guerre. D’autres défis concernent le maintien du rôle de la loi, de la bonne gouvernance et de la distribution de services sociaux sur une base équitable. Il en résulte que se répand la violence physique, psychologique, culturelle et structurelle.

La violence ne se limite pas à un pays, continent, une région ou religion. Elle est universellement utilisée pour réaliser des objectifs ; parfois à travers des agressions à visage découvert, parfois insidieusement, couverte par le bras de la législation et de la légitimité comme outil du maintien de la loi et de l’ordre (2011). Pour les femmes, cela prend plusieurs formes incluant : viol, travail domestique forcé, d’être battues par leur mari, enfermées et déshéritées (cas des veuves), discriminées des bénéfices économiques. La fuite des filles (l’enlèvement pour mariage) reste perçue comme une pratique culturelle légitime dans bien des pays africains. Les interventions pour construire la paix sont nécessaires afin de fonder un environnement sur et sécurisé où les gens peuvent rechercher le bonheur sans crainte.

Ainsi notre thèse se résume à : construire la paix est indispensable. Mais pas sous la forme d’importation de recettes abstraites véhiculées par le paradigme libéral de la paix. Comme l’Afrique fait face aux défis de l’importation et de l’imposition de construire la paix et du développement des interventions, cette faiblesse peut être abordée en encourageant et bâtissant des capacités locales afin de conduire aux répartitions, recherches ou études basiques, faisant des recommandations pertinentes à la fois aux acteurs pacifistes locaux et internationaux, ainsi qu’aux décideurs politiques pour améliorer leur engagement. Construire la paix inclut de bâtir des structures démocratiques à travers la participation des citoyens et autres intéressés dans le processus démocratique, sans lesquelles la paix serait vidée de tout sens. Cela suppose aussi un partage équitable des ressources. Il y a des défis significatifs dans de nombreux pays africains quand ils en arrivent au problème de l’équilibre de la distribution loyale des ressources et des dépenses prioritaires. La croissance économique et les revenus créés par le pétrole et d’autres richesses naturelles ne sont pas canalisées afin de réduire la pauvreté.

Cela aboutit à une situation où les dividendes de la paix sont durement savourés par des civils impatients et appauvris, obligés à se questionner sur le sens de la paix. Dans notre expérience, beaucoup de gens pensent que la paix signifie l’absence de violence et le maintien de la loi et de l’ordre. Cependant il n’y a pas que les canons qui tuent. Le manque d’accès aux moyens basiques pour vivre, à la dignité et à la jouissance des droits peuvent être aussi meurtriers que les armes. Significativement construire la paix n’est pas une fin en soi-même – plutôt un moyen vers un état sûr et prospère, où chaque individu jouit des droits fondamentaux et d’une vie digne. Donc, traiter de la violence structurelle conduit à créer une réforme fondamentale de l’État, dans laquelle des services sociaux équitables sont fournis sans discrimination, ce qui serait critiquable si nous n’avions pas construit avant tout une Afrique sûre.

Le rôle des pacifistes intéressés

Il y a de nombreux acteurs travaillant à construire la paix en Afrique. Au cœur de ces organisations se trouvent les mouvements sociaux et pacifistes affiliés à l’IRG, au MIR, à la COPA (Coalition pour la paix en Afrique), ainsi que plusieurs associations régionales. ACCORD”, Centre africain pour la résolution des conflits, a son siège à Durban et des bureaux dans d’autres pays, et il y a des groupes de femmes, dont le Réseau d’action des femmes pour la paix(WANEP) ou le Programme des femmes artisanes de paix (WPP).

Simultanément, les plus récentes recherches sur les stratégies et résultats pour construire la paix nous enseignent que pendant que la société civile a un rôle important à jouer, les acteurs étatiques (avec des ressources bien plus grandes) ne peuvent pas être négligés ; Construire la paix marche mieux là où les divers acteurs réussissent à coopérer. Aujourd’hui, le rôle des institutions régionales et sous-régionales, tels l’Union Africaine (AU), l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), la Communauté économique pour les États d’Afrique de l’Ouest (ECOWAS) ou la Communauté de développement de l’Afrique méridionale (SADC), est déterminant. Bien que les organismes sous-régionaux aient été constitués à l’origine pour promouvoir le bien-être socio-économique d’une région, ils ont fini par jouer un rôle croissant pour construire la paix par le biais d’une approche par le développement économique.

Il existe aussi, spécialement du côté des donateurs internationaux et des agences, une mise en avant excessive sur certaines activités et une négligence sur d’autres qui ont un impact beaucoup plus large. Par exemple, pour regarder une autre région, dans les Balkans après les guerres des années 1990, chacun parlait et payait pour la “réconciliation”, alors que le manque d’éducation appropriée et de perspectives professionnelles contraignaient toute une génération de jeunes à végéter sans perspective sensée sur ce qu’ils pouvaient faire de leurs vies.

Conclusion

Le groupe à thème commencera par une session interactive sur : qu’entendons-nous par construire la paix ? Une introduction au sens de construire la paix en général et sur le continent africain en particulier.

Le deuxième jour, nous regarderons l’exemple du Sud Soudan, et nous débattrons des approches diverses, englobant un large échantillon d’acteurs : groupes de la société civile travaillant au changement des attitudes des gens, rôle (ou absence de rôle) de la société civile dans les négociations de paix, discours d’approches préférés par les communautés internationales (comme les secteurs de sécurité réformés et la construction de l’État), coup d’œil sur le problème de la sécurité pour les civils incluant le rôle des missions des Nations Unies (UNMISS) et celles des gardien de la paix civils et non armés fournis par l’ONG ”Nonviolent Peaceforce” (Force de paix nonviolente), avec en parallèle des questions d’économie, de genre, etc.

Le troisième jour avec l’aide de personnes ressources d’autres pays, nous examinerons les défis et les problèmes pour construire la paix dans d’autres pays en Afrique et ailleurs.

Le quatrième et jour de conclusion, nous chercherons à tirer des leçons de l’étude de cas, et aborderons les problèmes de construire la paix, de la nonviolence et des contributions du soutien et de la solidarité internationale. La question clef sera comment pouvons nous travailler mieux ensemble ?

 Moses Monday

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