Nonviolence Resources

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Le site web de l’IRG sur la Responsabilisation de la Non-Violence est rempli de récits et de stratégies pour la résistance non-violente! Nous avons téléchargé un grand nombre de nouveaux récits qui explorent les programmes et les projets qui se concentrent sur la construction d’un ‘nouveau monde’.

Le manuel pour des campagnes non-violentes de l’IRG est maintenant disponible en français ! La traduction a été effectuée par des amis de l’ Union Pacifiste de France, en collaboration avec l’équipe de l’IRG en ce qui concerne les travaux de conception- pour obtenir un exemplaire du livre, veuillez contacter par email : andrew@wri-irg.org.

Émancipation par la noviolencia est un projet du programme de Non-violence de l‘Internationale des Résistants à la Guerre, qui offre des ressources en plusieurs langues pour l’organisation des campagnes et l’éducation à la non-violence, aux militants de base dans le monde entier. Le changement social radical n’arrive pas ‘comme par magie’ ; le changement apparaît quand des gens engagés s’unissent pour agir d’une façon efficace et stratégique. Émancipation par la noviolencia rend nos resources disponibles en ligne, afin d’aider les militants à construire des campagnes plus solides et plus vigoureuses. Pour en lire davantage, visitez www.nonviolence.wri-irg.org .

Comme le besoin de solidarité avec la société civile turque augmente, la Bund für Soziale Verteidigung (Fondation pour la Défense Sociale) – une association partenaire de l'IRG en Allemagne - organise une collecte de fonds de l’ordre de 1400 Euros afin d'imprimer en Turc notre Guide pour des Campagnes Non -Violentes.

Cet argent serait envoyé au Centre de Recherche et d'Education sur la Non-Violence à Istanbul , qui distribuerait ensuite gratuitement ce guide durant ses ateliers et ses sessions de formation. Nous vous appelons à aider les militants en Turquie à améliorer leurs capacités d'action non-violente en utilisant ce guide !

Veuillez faire un don en cliquant ici .

Traduit par Noemie Salvaudon

Quand on pense changement social, on pense souvent à des manifestations, des campagnes, et des actions directes. Elles sont toutes des moyens essentiels de dire « non ! » à des pratiques et des institutions destructrices. Permaculture farmers in El Salvador

Cependant, il est tout autant important de construire des alternatives concrètes, ou nous disons « oui ! » à la vision du monde que nous voulons. Construits par la même analyse puissante que notre action directe non-violente, les « programmes constructifs » peuvent être de puissantes actions de résistance. Des programmes constructifs démontrent les alternatives radicales – aux militarisme et aux causes du changement climatique, par exemple – dont notre monde a tant besoin, et les met en place dans le présent.

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Durée : 30 à 45 minutes.

Objectif ou visée de l'exercice : Créer un espace pour le dialogue entre femmes et hommes dans les organisations pacifistes. Identifier les points de tension entre hommes et femmes dans les organisations pacifistes. Développer une qualité de bien-être et d'implication en traitant les questions de genre dans les organisations pacifistes.

Mode d'emploi/Notes pour la facilitation

I. Discussion en petit groupe sur genre, conflit et construction de la paix.

1. Dans de petits groupes mixtes d'hommes et de femmes, dressez une liste des façons différentes dont les hommes et les femmes vivent les conflits et la violence.

2. Dans les mêmes petits groupes, dressez une liste des façons différentes dont les hommes et les femmes participent au travail pour la paix.

3. Dans le grand groupe réuni, demandez à chaque petit groupe de faire part de ses analyses. II. Divisez le grand groupe en petits groupes formés uniquement de femmes et uniquement d'hommes.

1. Demandez à chaque groupe de partager les acquis et les défis à relever dans le travail avec l'autre sexe sur des questions de paix. Poussez le groupe à donner autant d'exemples que possible, positifs comme négatifs.

2. Demandez à chaque groupe de débattre des stratégies à mener pour le travail avec l'autre sexe sur des questions de paix.

Faites rendre compte par chaque groupe de son analyse et des stratégies qu'il propose. Par paires mixtes d'une femme et un homme, demandez aux participant/e/s d'apporter à l'autre des réponses sur les comptes rendus présentés. Chaque personne à son tour doit exprimer ses impressions sur les débats pendant que l'autre l'écoute en essayant de comprendre, sans l'interrompre.

Cet exercice a été adapté du Women in Peacebuilding Resource and training Manual, édité par Lisa Schirch. Le manuel complet est disponible sur les pages http://www.iiav.nl/epublications/2004/womens_peacebuilding_manual.pdf ou http://www.ifor.org/WPP/resources.htm.

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Le 8 juillet 1996, la Cour internationale de justice a déclaré que « la menace ou l'utilisation d'armes nucléaires serait généralement contraire aux règles de la loi internationale ». Cet avis a procuré aux mouvements pacifistes un argument supplémentaire et une base légale pour mener des actions de désobéissance civile et des actions directes contre les armes nucléaires. En Belgique, de petites actions de désobéissance civile devant le quartier général de l'Otan et la base de l'armée de l'air à Kleine Brogel ont été le début d'une campagne, Bombspotting, qui a mis en avant la question des armes nucléaires et l'obligation légale de désarmer.

C'est à l'occasion de Bombspotting que beaucoup de personnes ont participé pour la première fois à une action directe. Dès le début, les organisatrices/-teurs ont fait un gros effort pour permettre aux personnes de prendre une part active à l'action directe sans qu'elles aient nécessairement été impliquées depuis longtemps dans la phase de préparation. Tout en encourageant chacun à prendre contact avec un groupe régional et en organisant et promouvant activement les formations à l'action directe non-violente, nous laissons ouverte la possibilité de participer à la/au « citoyen/ne moyen/ne », sans la limiter à la/au « militant/e professionnel ». Cela signifie que les actions de Bombspotting, reposant sur vaste structure forte de centaines de volontaires, permettent aux gens de participer facilement et sans un engagement lourd.

Une façon importante pour abaisser le seuil de participation a été la mise en place de groupes locaux. Ces groupes, formés de personnes de conditions sociales très diverses, ont fait connaître le sujet des armes nucléaires et l'appel à l'action directe pour le désarmement nucléaire au-delà des réunions de campagne et directement dans la rue. Les efforts de mobilisation locale ont été beaucoup plus efficaces que la campagne informative menée par le bureau national. Grâce au travail des groupes locaux, nous avons eu la garantie que, où que ce soit ou presque, les personnes potentiellement intéressées pouvaient établir un contact sans intermédiaire avec celles/ceux qui travaillaient sur la campagne au niveau du terrain.

Pendant plusieurs années, nous avons invité des militant/e/s internationaux à participer, ce qui nous a conduits à relever de nouveaux défis. Comment pouvions-nous contribuer à faire monter la pression sur les gouvernements des États membres de l'Otan ? Le débat n'est pas clos. Nous sommes loin d'une campagne réellement internationale, mais nos efforts et nos discussions pourraient être utiles à d'autres. Lorsque vous invitez des personnes de l'extérieur à vous rejoindre, il est facile d'oublier des choses élémentaires – comme la nourriture, l'hébergement, les lieux de rendez-vous, le transport – qui peuvent ajouter à la tension. Nous devons être sûrs que les participant/e/s internationaux disposent de toute l'information nécessaire pour prendre des décisions. Nous devons prendre en compte les questions de langue, en nous assurant par exemple que les personnes qui répondent à un numéro de téléphone de référence ou destiné à l'assistance légale sont capables de parler plusieurs langues. Il faut du temps aux internationaux pour s'acclimater et pour se préparer à l'action, aussi bien chez elles/eux que brièvement sur place. Durant la phase de préparation, nous passons en revue les différentes étapes de leur présence et leur rôle dans l'action vus sous leur angle. De quelle information une personne a-t-elle besoin ? Qu'est-ce qui pourrait l'aider à se sentir en sécurité et à l'aise ? Nous envisageons aussi la possibilité de rencontrer préalablement certains hôtes internationaux, pour préparer tout cela ensemble.

Un excellent exemple d'outil confectionné à cette fin est le Faslane 365 Resource Pack (http://www.faslane365.org, en anglais). Ce livret offre une information élémentaire sur l'objet et le contexte politique du blocage de Faslane tout du long de l'année, ainsi que des conseils pratiques sur la mobilisation, la tactique, la formation et beaucoup plus encore, ce qui peut permettre aux groupes de se préparer de façon autonome à l'action.

Selon notre expérience, la formation à l'action directe non-violente avec des participant/e/s internationaux s'est révélée très profitable. Les formations donnent l'occasion de parcourir des scénarios d'action dans toute leur extension et de se préparer à traiter des problèmes et des difficultés susceptibles d'apparaître. On peut avoir l'impression que le fait de participer à des actions à l'étranger ne faire guère avancer sa propre campagne. En outre, cela prend du temps et peut représenter une jolie dépense. En même temps, en vous rendant dans un autre pays, vous pouvez rehausser la visibilité internationale de votre campagne. Et c'est très souvent un moyen efficace pour rencontrer des personnes avec lesquelles vous pourrez travailler plus tard.

Un exemple de ce type a été celui de la participation internationale de militant/e/s de Greenpeace France, qui les a inspirés à mener une action contre le développement de nouveaux missiles nucléaires français. En septembre 2006, pendant la première grande manifestation contre le missile M51, une trentaine de « Bombspotteuses » ont participé à la première « inspection citoyenne » dans le style de Bombspotting, au Centre d'essais des Landes, non loin de Bordeaux. Nous avons donné des conseils et fourni une assistance pour préparer cette action, et des formatrices/-teurs à l'action directe non-violente de Bombspotting sont revenus quelques mois après l'action pour dispenser une « formation pour formateurs ».

Mais agir à l'étranger ne peut jamais remplacer l'action dans votre propre pays. C'est pourquoi, répétons-le encore, il est de la plus haute importance de réfléchir à ce que vous attendez de l'implication de militant/e/s internationales/-aux dans votre campagne ou de votre propre participation à l'étranger.

Il existe des moyens pour magnifier la signification de la présence internationale. Lors de l'action Bombspotting XL en 2005, au cours de laquelle des inspectrices/-teurs citoyens ont ciblé quatre sites différents liés aux armes nucléaires en Belgique, des militant/e/s étaient venus de tous les pays membres de l'Otan qui hébergeaient des armes nucléaires de l'Otan (le Royaume-Uni, les États-Unis, l'Italie, l'Allemagne, la Turquie et les Pays-Bas), ainsi que d'autres pays (comme la Finlande, la France, la Grèce, le Portugal et l'Espagne). Notre travail auprès de la presse a attiré l'attention sur cette présence étrangère, et les délégations internationales ont fait leur propre travail auprès des médias de leurs pays respectifs. Quand on procède de la sorte, il ne s'agit pas seulement d'inviter des internationales/-aux et de les faire participer. Beaucoup plus de travail est nécessaire, incluant notamment la coordination des efforts avec la presse et la répartition des rôles avant, pendant et après l'action.

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Fondée en 1997, la Communauté de paix de San José de Apartadó est née dans des conditions défavorables à la résistance non-violente. La communauté se trouve dans une zone de la région d'Urabá, en Colombie, où d'importants intérêts économiques sont en jeu et où se déroule un conflit armé entre des guérillas (les FARC), les forces de l'État et des paramilitaires (qui agissent souvent en complicité avec l'État). C'est une région où la terreur politique, les assassinats et l'intimidation ont été utilisés pour éliminer les personnes en vue (les leaders) et les militant/e/s. La Communauté de paix elle-même est formée de personnes déplacées, dont les parents et les grands-parents ont eux aussi été victimes de la violence. Tout du long de son existence, la Communauté de paix a dû faire face à des campagnes visant à la discréditer, orchestrées au plus niveau du gouvernement du pays et des médias, en particulier sous la présidence de Álvaro Uribe.

La Communauté de paix compte plus de 1 000 membres, même si 150 de ceux-ci environ ont été tués par les forces de sécurité, les paramilitaires ou les FARC.

Vers une stratégie de résistance civile

Ce qui a commencé par la nécessité urgente de trouver des solutions concrètes pour les personnes déplacées s'est développé sous la forme d'un projet offrant une alternative au modèle actuel de société, qui comporte trois dimensions : Résister à la guerre et aux déplacements forcés, en établissant un mécanisme pour protéger les civils dans un contexte de fort conflit armé.

Établir une fondation durable garantissant la cohésion de la communauté, qui inclue l'élaboration d'alternatives économiques globales et respectueuses de l'environnement.

Construire la paix au niveau quotidien et personnel des relations non-violentes, ainsi qu'au niveau politique, en condamnant l'usage de la violence et en soutenant une solution politique négociée au conflit armé ; diffuser et répandre l'idée de zones de paix et proposer un accompagnement à d'autres communautés locales.

Stratégie économique

Une zone de guerre n'a pas un accès normal aux biens essentiels. De ce fait, la communauté doit faire pousser sa propre nourriture ; elle coopère avec des groupes de « commerce équitable » pour échanger de la coca et des petites bananes (« baby »). De plus, elle a organisé des rencontres et des cours (sous les noms d'Université paysanne ou d'Université de la résistance) pour partager l'information sur des formes écologiques d'agriculture.

Stratégie politique

L'apparition de la Communauté de paix a représenté un défi pour celles/ceux qui cherchent à exercer leur domination sur un territoire, en premier lieu les acteurs armés de l'État, les paramilitaires et les guérillas. Pour survivre, la communauté doit tisser des liens qui, d'un côté, réduisent la pression pesant sur elle et, de l'autre, renforcent sa capacité à rebondir grâce à des relations aux niveaux local, national et international.

Cohésion de la communauté

La déclaration fondatrice de la Communauté de paix énonce des principes de démilitarisation et de neutralité qui représentent le dénominateur commun du groupe. Le fait d'avoir signé cette déclaration est une force unificatrice pour le collectif.

La formation a été vitale pour la communauté. D'abord, lors de la phase préparatoire à l'établissement de la communauté, des ateliers ont eu lieu avec des personnes déplacées et des membres potentiels. À présent, la commission Formation se concentre en interne sur le renforcement de la compréhension et de l'acceptation des principes fondateurs, en analysant la situation et en évaluant l'ensemble du processus de résistance civile. La commission enseigne les techniques de résolution des conflits à l'intérieur même de la communauté et elle aspire à conforter la résolution des membres de ne pas rejoindre de groupe armé. La commission Formation ne travaille pas seulement avec des familles, des coordinatrices/-teurs et des groupes de travail de la communauté, mais aussi avec d'autres familles de la région.

Protection

La communauté s'engage dans des activités visant à réduire le risque de violations des droits humains affectant ses membres et à renforcer le processus même de la résistance civile, notamment : documenter et dénoncer publiquement les violations commises par tous les acteurs armés ; identifier les espaces communautaires en érigeant des panneaux rappelant ses principes ; diffuser l'information par des publications légères, vidéos, rencontres nationales et internationales sur son territoire, tournées nationales et internationales et son propre site Web ; interpeller le gouvernement national et, de plus en plus, les organismes internationaux, ce qui a parfois débouché sur des décisions positives, comme les restrictions apportées à l'aide militaire des États-Unis et le procès de soldats accusés d'avoir tué des leaders de la communauté en février 2005 ; protéger par l'accompagnement : les Brigades de paix internationales (Peace Brigades International) accompagnent régulièrement les déplacements en provenance ou à destination de la communauté, tandis que d'autres groupes internationaux, dont la branche états-unienne du Mouvement de la Réconciliation (Fellowship of Reconciliation) finance des séjours dans la communauté, par exemple pour collaborer au travail de l'école.

Proposition pour de nouvelles zones neutres

À la différence des « zones de sécurité » créées par des accords entre forces armées, c'est la population civile elle-même qui a décidé de créer au sein de la communauté un espace physique et une protection sociale pour les personnes qui ne sont pas impliquées dans la guerre. Les communautés de paix ne sont pas simplement des espaces de survie au milieu des échanges de balles, mais aussi des lieux où l'on cherche à bâtir la paix et la justice sociale, une forme de vie fondée sur la dignité, l'autonomie et la solidarité.

Capacité à résister à la répression

La Communauté de paix de San José de Apartadó a été l'une des plus touchées par la violence politique en Colombie. La répression politique vise à briser les principes et les convictions des personnes ayant fait le choix de la paix, à répandre la défiance et l'intimidation et à invalider l'action individuelle et collective. Par le biais d'actions ciblées et par la violence directe, cette répression distille un sentiment d'insécurité parmi la population, en oblitérant la capacité des personnes à réagir.

La ténacité dont témoigne la résistance de la communauté, en dépit de la violence, peut en partie s'expliquer par l'absence de meilleures alternatives offertes aux personnes ayant fait l'objet de déplacements forcés. Cela étant, elle dépend aussi de facteurs plus positifs : une conscience sociale forte, en vertu de laquelle les personnes agissent comme des sujets sans se soumettre à des injonctions politiques ; la perception que, malgré les acteurs armés, le processus de résistance peut triompher ; la confiance dans le fait que la non-violence offre de meilleures chances de survivre ; et un engagement inébranlable à ne pas abandonner un combat pour lequel tant de martyrs ont déjà donné leur vie.

Différents types de résistance

La Communauté de paix résiste à plusieurs niveaux : elle résiste à la malaria, à la pauvreté et à l'absence de services de base dans ces régions de Colombie ; elle résiste à la terreur des groupes armés légaux et illégaux ; elle résiste à la tentation de la revanche dans un territoire où il serait extrêmement facile de rejoindre n'importe lequel des acteurs armés et de chercher à se venger d'un ennemi ; elle résiste à l'imposition d'un modèle unique et autoritaire de société, tout en proposant un projet de vie reposant sur une approche globale de la dignité et du développement.

Conclusion

Parmi les plus importants facteurs ayant permis aux paysan/ne/s et fermier/e/s de San José de Apartadó d'entretenir leur résistance non-violente pendant les dix dernières années figurent les éléments suivants : l'accompagnement d'organismes de l'église catholique ; la structure organisationnelle démocratique et souple de la communauté, qui renforce le sentiment d'appartenance et la cohésion de groupe ; des améliorations dans la vie des femmes et des enfants, par comparaison avec le passé ; une forte discipline interne, le respect des règles de conduite préalablement agréées et la loyauté envers les principes fondamentaux de neutralité et de non-violence ; la mise en place de mesures internes de protection ; l'ouverture d'espaces de consultation avec des acteurs gouvernementaux ; la mise en place de stratégies économiques pour faire face aux nécessités élémentaires de la communauté ; un processus progressif d'intégration et de coordination des actions avec d'autres expériences locales de résistance civile dans différentes régions de Colombie ; la formation de nouvelles/-aux leaders ; l'exemple de martyrs stimulant la poursuite de la résistance ; la protection offerte par l'accompagnement international ; la consolidation progressive d'un réseau international de soutien dans de nombreux pays ; la force morale de la communauté et sa capacité à rebondir face à la violence des groupes armés.

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Cela fait peu de temps que les mouvements sociaux coréens ont commencé à utiliser le concept de « voie non-violente de lutte ». De nombreux militant/e/s ont encore une vision négative de la non-violence, considérée comme une forme faible, passive et non résistante de lutte, ce qui est partiellement dû à notre propre histoire.

Durant plus de trente ans après l'occupation coloniale japonaise puis la guerre de Corée, c'est un régime militaire autoritaire qui a dirigé la Corée du Sud. Le régime répondait par la terreur armée aux aspirations grandissantes à la liberté et à la démocratie, à la suite de quoi certaines personnes se sont elles-mêmes saisies d'armes, en parlant de « résistance violente ».

Aujourd'hui, l'État recourt encore à la violence, en particulier contre les militant/e/s, mais de plus en plus de ces derniers commencent à accepter qu'il existe une voie non-violente de lutte.

D'une certaine façon, la résistance non-violente est apparue dans les années 1980, comme celle d'étudiant/e/s refusant d'être envoyés à la frontière du nord, de soldats dénonçant la violence qu'ils avaient subie pendant leur service militaire ou de protestations de civiles mettant en cause les patrouilles de police. Cependant, le concept de non-violence se limitait à une simple forme de résistance.

À présent, on peut dire que les objecteurs de conscience au service militaire obligatoire sont les premiers pacifistes sincères en Corée qui voient la non-violence comme une philosophie de vie. Ils ont plaidé en faveur du droit à refuser des ordres déraisonnables émanant de l'État (quand ce sont le nationalisme et le militarisme qui prévalent) et ils en ont appelé à ce qu'il y a de fondamentalement bon chez les personnes, en leur demandant de remettre radicalement en question l'armée, les armes et la guerre. Les gens ont été profondément remués quand ils ont vu des objecteurs de conscience préférant passer dix-huit mois en prison plutôt que d'empoigner une arme. Elles/ils en sont venus à apprendre le sens de l'acte d'objecter en conscience, en considérant les guerres permanentes provoquées notamment par les États-Unis et Israël.

Le groupe de travail pour l'objection de conscience en Corée se centre à présent sur la délivrance d'une nécessaire assistance, sous la forme par exemple de conseils légaux et psychologiques, à ceux qui se préparent à objecter ; il élargit aussi la connaissance de l'objection de conscience par un ensemble d'activités, comme des conférences de presse, des débats, des campagnes et des actions directes. Les objecteurs de conscience (OC) en Corée sont encore peu nombreux et les exigences pesant sur ceux qui font une déclaration d'objection justifient qu'ils aient besoin de soutien.

Le mouvement des OC n'a pas de position claire à l'égard de l'action non-violente. En 2003, par exemple, quand Kang Chul-min a déclaré son objection pendant qu'il effectuait son service militaire, il y a eu des points de vue contradictoires sur l'opportunité de la tenue d'un sit-in en solidarité avec lui. Des discussions du même ordre ont eu lieu à propos d'étudiants qui ont déclaré leur objection de conscience avant d'être appelés au service militaire. Beaucoup ne voient pas l'objection de conscience comme une forme d'action directe non-violente qui devrait être reliée à d'autres formes d'action directe.

D'autres groupes tenant le pacifisme non-violent pour un principe philosophique de base ont pris une part importante à la lutte contre l'extension de la base militaire états-unienne de Pyeongtaek. Ils ont utilisé différentes tactiques, parmi lesquelles des formes inventives d'action directe non-violente qui étaient en contraste patent avec des méthodes de lutte précédemment usitées. Certains participant/e/s ont décidé d'édifier un « village de paix », en occupant des bâtiments qui avaient été abandonnés pour laisser place à la base et en les transformant en bibliothèque, café et maison d'hébergement et en y exposant des œuvres données par des artistes. Lorsque les bulldozers, soutenus par les forces anti-émeutes de la police et des forces de sécurité privées (« bandits à gage »), sont arrivés pour démolir les bâtiments encore debout dans le village, les habitants et les militant/e/s ont réussi dans un premier temps à empêcher la démolition en grimpant sur les toits, en s'attachant aux bâtisses ou en s'asseyant devant les bulldozers. Les forces gouvernementales ont alors été renforcées – de 4 000 en mars 2006 à 22 000 en septembre – et des centaines de villageois et de militant/e/s ont été arrêtés ou blessés. Malgré tout, certains ont encore essayé de cultiver les terres sous occupation militaire avant de renoncer en février 2007. La dernière veillée aux chandelles de protestation a eu lieu en mars 2007 ; le mois suivant, des villageois et des militant/e/s sont revenus enterrer une capsule temporelle signalée par un drapeau et portant le mot « Retour ».

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Militarisme et patriarcat sont profondément enracinés dans la culture turque. Actuellement, la guerre dans le « sud-est » de la Turquie repose sur la discrimination ethnique contre les Kurdes, même si elle est officiellement décrite comme une « guerre contre le terrorisme ». Toute tentative de contester le militarisme est qualifiée de « trahison ». Les personnes les plus touchées par les conséquences négatives de la violence sont d'abord les femmes, les enfants et les personnes âgées, ainsi que les minorités religieuses, ethniques et politiques. La violence est tellement intégrée dans la société turque que tout point de vue alternatif a été rendu impensable, même parmi celles/ceux qui contestent habituellement la hiérarchie et promeuvent la liberté et l'égalité.

L'influence de la chose militaire est manifeste dans les exemples suivants : Ce n'est qu'après avoir accompli son service militaire qu'un homme est considéré comme un homme « pour de vrai ».

Aussi récemment qu'en 1997, le Conseil de sécurité nationale (incluant les chefs de l'état-major) a refusé que les vainqueurs des élections forment un gouvernement (ce qui a été qualifié de « coup d'État postmoderne »).

Pouvoir économique : OYAK, la société de services financiers de l'armée turque, est l'un des plus puissants investisseurs en Turquie.

Des sondages d'opinion montrent que l'armée est l'institution à laquelle le peuple fait le plus confiance.

L'armée a participé à l'établissement de la république turque par Mustafa Kemal en 1923, suite à l'effondrement de l'Empire ottoman ; les principes kémalistes, qui restent fondamentaux pour l'État, trouvent leur traduction dans le code pénal, le maintien d'une armée puissante et la croyance en « l'indivisibilité de la nation ». Tout cela est à l'origine de comportements répressifs. Peu nombreuses sont les personnes qui voient comme un problème la domination des femmes par les hommes, et la violence physique est amplement acceptée, que ce soit envers les subordonnés, les prisonniers ou à l'intérieur de la famille.

Commencements

Le terme « non-violence » a été utilisé pour la première fois dans les principes de l'Association des résistant/e/s à la guerre d'Izmir (IWRA) en 1992. Au sein de l'association, la non-violence a toujours été un sujet de discussion, notamment les moyens de trouver des voies pratiques pour vivre de façon non-violente dans une culture violente. Nous avons d'abord eu recours à la formation à la non-violence pour nous préparer à des scénarios de visite en prison quand un membre du groupe, Osman Murat Ülke, a été incarcéré pour objection de conscience. Au début, personne de l'extérieur n'a pris contact avec nous pour discuter de la non-violence. À présent, cependant, il y a un plus grand intérêt, même si l'association elle-même a fermé en 2001 suite à la lassitude et à l'épuisement de ses membres.

L'engagement non-violent de l'IWRA contrastait vivement avec l'attitude d'autres groupes progressistes qui ne prenaient pas notre approche au sérieux et tenaient la non-violence pour faible et inefficace. Les personnes principalement impliquées dans notre groupe étaient des militant/e/s antimilitaristes, anarchistes et féministes. Le meilleur accueil réservé à la non-violence est peut-être venu du mouvement lesbien, gay, bi et trans (LGBT), qui se trouvait juste en phase de structuration et qui a adopté des méthodes non-violentes.

Pour les alliances politiques, notre interaction la plus fructueuse a été avec le mouvement des femmes. À nos premiers débuts, nous avons formé un groupe de femmes féministe et antimilitariste qui s'appelait « Féministes antimilitaristes » pour essayer d'atteindre les groupes de femmes. Malgré quelques déceptions initiales, nous avons touché de nombreuses femmes indépendantes et avons commencé à mener des formations avec des organisations de femmes. Cette nouvelle attitude n'était pas sans rapport avec les changements ou la transformation en cours à l'intérieur du mouvement des femmes lui-même, notamment par leur volonté de faire les choses à leur façon plutôt que dans un cadre traditionnel de gauche. La contestation de la violence est devenue une priorité pour les femmes, et la non-violence semblait offrir une réponse. Comme plus de femmes visaient une autonomisation personnelle, notre coopération avec les femmes et avec les groupes de femmes s'est trouvée renforcée.

Le groupe politique le plus proche de nous était le mouvement pour l'objection de conscience, lui-même construit grâce aux efforts de militant/e/s qui œuvraient à la promotion de la non-violence. Même si ce partenariat existe toujours, une tendance individualiste dans ce mouvement – selon nous – rend moins fructueuses les discussions sur la non-violence. Bien que beaucoup d'objecteurs de conscience turcs soient des résistants totaux (autrement dit, ils refusent aussi bien le service militaire que tout service civil de substitution), l'attitude de ce mouvement vis-à-vis de la non-violence est parfois équivoque, en raison notamment du soutien d'objecteurs issus du mouvement kurde et de groupes de gauche.

Initiative des formatrices/-teurs non-violents d'Izmir L'Initiative des formatrices non-violentes d'Izmir (INTI) a d'abord vu le jour comme une composante de l'IWRA qui recevait un soutien d'autres groupes. Notre travail a été aidé et sa qualité améliorée grâce à la coopération de formateurs allemands, notamment lors de stages de formation à Kurve Wustrow en Allemagne, une session internationale de formation pour formatrices/-teurs organisée à Foca en Turquie en avril 1996 et l'accompagnement de deux formateurs allemands qui ont vécu à Izmir de 1998 à 2001.

Quand l'IWRA s'est arrêtée en décembre 2001, l'initiative des formatrices s'est, elle, poursuivie, grâce à l'organisation d'ateliers à Izmir et dans tout endroit du pays où nous sommes invités, y compris à Diyarbakir dans la région en « crise » du sud-est. Aujourd'hui, ce sont cinq formatrices – quatre femmes et un homme – qui y travaillent, essentiellement sur une base de volontariat – seuls les frais de déplacement étant pris en charge, même si de temps à autre nous avons assez d'argent pour rétribuer une coordinatrice/-teur à temps partiel. En juin 2006, nous avons lancé un cours de formation pour formatrices/-teurs avec 20 participant/e/s de tous les coins du pays.

L'objectif de l'INTI est d'établir et de mettre en valeur les structures et les principes non-violents comme une alternative au militarisme, au nationalisme, à la hiérarchie et au patriarcat. Nos activités publiques ont débuté par l'organisation de manifestations et de séminaires sur la non-violence et l'objection de conscience, la publication de brochures (mais la police a confisqué un certain nombre de nos titres à l'imprimerie) et la recherche de coopération internationale. Dans le domaine de la formation, nous avons travaillé avec des militant/e/s de groupes n'ayant pas de représentation parlementaire, pour les droits humains, les droits des femmes, des groupes LGBT et des partis politiques. De plus, le groupe a coopéré avec le Centre pour les droits humains de l'Association des juristes d'Izmir, pour former les juristes et la police sur des questions en rapport avec les droits humains. En général, les sujets traités dans nos formations comprennent la mise en place de structures non hiérarchiques pour un travail de terrain et d'opposition politique, la prise de décision par consensus, une discussion des structures militaristes à l'intérieur de la société (en commençant par la famille) et des alternatives non-violentes. Les comportements individuels et les actions des participant/e/·s constituent toujours le point fondamental et central de nos ateliers. Nous réfléchissons sur des analyses théoriques et des expériences pratiques de non-violence et d'actions non-violentes (en partant de Henry David Thoreau et Mohandas Gandhi pour arriver à des exemples actuels). Nous incluons des réflexions sur des approches anarchistes de la non-violence, sur le Théâtre de l'opprimé d'Augusto Boal et sur les stratégies de non-violence de Gene Sharp.

Notre groupe a la conviction qu'il est possible d'éliminer les inégalités de toute sorte, la discrimination et par conséquent la violence, et de développer des méthodes et actions non-violentes pour le changement politique et social. De ce fait, en partant du principe que « la non-violence n'est pas une aspiration à laquelle viser dans le futur, mais simplement le moyen de parvenir à une telle fin », notre groupe a entrepris de discuter des pratiques de la vie quotidienne qui pourraient paraître « neutres ». Depuis plus de dix ans, notre groupe a appris, pratiqué et enseigné les moyens et les méthodes de la non-violence, comme une attitude face à la vie que nous développons à présent comme un principe même d'existence.

D'abord, nous proposons des formations de « présentation » d'une journée à différentes organisations et à des militant/e/s individuels qui s'interrogent sur la violence. Ensuite, nous proposons des « formations sur un thème » portant sur des points particuliers, à la demande de groupes et suivant leurs besoins ; il y en a déjà eu sur les préjugés, la résolution des conflits, la communication et le sexisme. Enfin, nous travaillons pour proposer une session intensive de « formation pour formatrices/-teurs » d'une durée d'une semaine avec des personnes ayant pris part aux deux premières séances de formation et souhaitant devenir elles-mêmes formatrices ; il s'agit là d'une réponse à une demande toujours plus importante pour un module de ce type. Depuis 2002, nous avons conduit les première et deuxième parties de ces formations avec différents groupes – en travaillant avec des femmes, la communauté LGBT, des groupes engagés pour les droits humains, l'écologie, la paix et l'antimilitarisme à Izmir, Ankara, Antalya, Adana et Diyarbakir.

Les personnes ayant participé à nos deux premières formations et souhaitant devenir formatrices avaient déjà commencé à mettre en question la violence et elles avaient essayé d'intégrer des méthodes non-violentes dans leurs institutions et dans leurs pratiques individuelles. Elles éprouvaient cependant un manque d'information et d'expérience sur « l'action non-violente ». À Diyarbakir, par exemple, nous avons identifié un besoin de formation sur l'élaboration de solutions non-violentes pour des activités fondamentales (comme les meurtres « d'honneur », la violence contre les femmes, etc.). Des participant/e/s devaient acquérir de l'autonomie dans leur travail ainsi qu'une capacité renforcée à utiliser la non-violence pour faire naître de nouvelles solutions à des problèmes courants.

Nous savons bien qu'il est impossible de couvrir l'ensemble des principes de la non-violence en une formation d'une semaine. Une des solutions que nous avons trouvée est de poursuivre le dialogue et de rechercher des possibilités pour de futures réunions de supervision et de retour d'expérience. De plus, durant notre troisième formation, nous prévoyons de former un réseau entre les formatrices/-teurs partout en Turquie après avoir établi les principes opérationnels d'un tel réseau. Cette approche « en réseau » garantira la durabilité de notre dialogue, elle nous permettra de continuer à partager nos connaissances et nos expériences parmi les formateurs à la non-violence et à disséminer de façon collaborative la formation à la non-violence, à un niveau tout à la fois local et national.

Nos objectifs

Nous visons à améliorer et à renforcer la culture de la démocratie et des droits humains en y introduisant le concept de non-violence, à contester la culture de violence (qui, en Turquie, contient une composante militariste et patriarcale) afin de semer les graines d'une culture de non-violence, et à développer la conscience de la discrimination présente dans toutes les conditions de notre existence et que nous combattons. Former des formatrices/-teurs leur permettra de travailler en ce sens en acquérant une expérience pratique et en développant leur capacité à animer leurs propres groupes de formation.

Campagnes non-violentes

Lorsque nous abordons des exemples de campagnes non-violentes en Turquie, nous pouvons dire que ces activités n'ont pas été organisées d'une façon entièrement non-violente. Même si la non-violence en était l'un des principes fondamentaux, certaines organisations ont manqué des qualités requises pour une réelle action non-violente, comme par exemple une préparation adéquate à l'événement par des formations à la non-violence. L'une des plus longues campagnes, de ce point de vue, a été le « Festival du militourisme ». Cette action, menée chaque année le 15 mai (journée internationale de l'objection de conscience), consistait en la visite de symboles militaristes de premier plan dans plusieurs villes, l'organisation d'événements alternatifs et des déclarations publiques d'objection de conscience. Une autre action a été la campagne « Regardons-la en face », visant à reconnaître clairement la guerre en cours en Turquie. Elle s'est étendue sur une année entière, avec des actions phare tous les trois mois. L'objectif que personne ne puisse ignorer cette guerre était atteint par le recours à des techniques non-violentes comme le théâtre de rue. Une autre action non-violente était la « Journée du riz » qui se déroulait à Ankara, centre de l'administration officielle, et en particulier devant une caserne militaire. Nous nous rassemblions là pour dire : « Nous existons, nous sommes là ». En tant qu'antimilitaristes subvertissant les rôles sociaux dans nos activités, nous utilisions le symbole de la Journée du riz pour renforcer la solidarité du groupe et en finir avec notre invisibilité. En dehors de ces activités principales, de plus petites actions et organisations étaient mobilisées à des fins d'intervention politique à court terme.

Épilogue

Bien que nous ayons souvent été marginalisés au long de la brève histoire de la non-violence en Turquie et que nous n'ayons pas été aussi efficaces que nous aurions souhaité l'être, nous acquérons une meilleure visibilité grâce à des alliances forgées avec les mouvements de femmes et LGBT. Le fait que la question de l'objection de conscience commence maintenant à faire l'objet de débats sur la place publique y contribue aussi. Cette tendance se voit confirmée par la demande croissante de différents groupes politiques pour que les méthodes non-violentes et la formation à la non-violence figurent à leur agenda.

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Le 11 septembre 1973, la junte chilienne, soutenue par la CIA et l'administration de Nixon aux États-Unis, a renversé le gouvernement démocratiquement élu du président socialiste Salvador Allende. Priscilla Hayner, dans son livre Unspeakable Truths, Confronting State Terror and Atrocity (2001), souligne l'impact dévastateur de la dictature qui en a découlé : « Le régime a épousé un anticommunisme virulent pour justifier sa tactique de répression, incluant des arrestations massives, la torture (les estimations du nombre de personnes torturées vont de 50 000 à 200 000), les assassinats et les disparitions ». La dictature a assassiné, torturé et contraint à l'exil des milliers d'opposants politiques et intellectuels engagés.

Dans ces circonstances, un lourd silence, fruit des menaces et de la terreur, s'est abattu sur le Chili. Certains parmi nous se demandaient si les approches de Gandhi sur le pouvoir de la non-violence pouvaient être de quelque secours dans le combat entrepris pour défier la terreur.

(La non-violence renvoie ici à une philosophie et une stratégie de résolution des conflits, un moyen de lutter contre l'injustice et, dans un sens plus large, un mode de vie, développé et employé par Gandhi et ses héritiers partout dans le monde. La non-violence est une action qui ne produit ni ne tolère l'injustice.)

Proclamer la vérité

Quelques-uns d'entre nous ont décidé d'essayer d'en inciter d'autres à s'exprimer contre la dictature en « proclamant la vérité ». Nous faisions face à une double souffrance : celle qu'impliquait le fait d'endurer la violence de la dictature, et celle provoquée par le fait de garder le silence à cause de la peur que nous éprouvions. C'était insupportable de ne pas crier pendant que celles/ceux que nous aimions étaient tués et torturés ou disparaissaient. Nous avons imprimé clandestinement des tracts et des brochures. Nous peignions la nuit sur les murs des slogans dénonçant les violations des droits humains, en prenant de grands risques. Le principe de la non-violence active sous-tendait ces actions : face à l'injustice, il faut d'abord mettre celle-ci au jour, sans quoi on en est complices. Les actions clandestines ont contribué à donner corps au principe de dire la vérité et d'agir en conséquence. En dépit des risques, il nous fallait pourtant aller au-delà des protestations clandestines : nous devions déplacer les protestations contre la junte chilienne dans le débat public.

Amorcer le mouvement public contre la torture

José Aldunate, un prêtre jésuite devenu dirigeant du Mouvement Sebastián Acevedo contre la torture au Chili, dit dans ses mémoires : « Un camarade est venu nous voir et nous a exposé les faits (de torture). Nous nous sommes informés sur la torture et sur la dynamique de la non-violence. Nous avons regardé un film sur Mahatma Gandhi. J'étais plus motivé par [la lutte contre] la pauvreté, mais j'ai suivi la discipline du groupe. Nous avons débattu et décidé d'entreprendre une manifestation non-violente pour dénoncer la torture... Pour briser les barrières du silence et de la dissimulation concernant la torture, nous étions dans l'obligation de la dénoncer publiquement. Nous devions agiter la conscience de la population. »

Le 14 septembre 1983, dix ans après la prise du pouvoir par le régime, le mouvement contre la torture est né lors d'une action devant le siège du Centre national d'informations (CNI, service de renseignement) à Santiago. Soixante-dix personnes environ ont coupé la circulation, déployant une banderole qui disait : « Ici on torture ». Elles ont crié leurs slogans dénonciateurs et chanté à un hymne à la liberté. Au moins une fois par mois jusqu'en 1990, le groupe est revenu dénoncer au même endroit les crimes contre l'humanité commis par le régime. L'objectif du mouvement était de dénoncer la torture ; il laissait à d'autres organisations le travail de recherche et de prise de parole.

Afin de pouvoir agir, il nous fallait défier ouvertement les dispositions de l'état d'urgence décrété par la junte dans l'intention de terroriser la population. Nous devions affronter notre propre sentiment d'impuissance, d'isolement et de peur. Mais nous devions aussi mettre en place quelques mesures de sécurité. Le mouvement n'avait pas de lieu de rencontre fixe, ni de secrétariat, ni d'infrastructure. Il se regroupait dans les rues et sur les places au moment même des actions. Il n'y avait pas de liste des membres. Les participant/e/s venaient sur invitation personnelle, le mouvement devant éviter de se voir infiltré par la police secrète et autres organismes de répression. Les consignes étaient transmises d'une personne à une autre. La formation des participants se faisait essentiellement pendant les actions, chacune de celles-ci étant évaluée sur-le-champ.

Les participant/e/s étaient passibles de sanctions légales et illégales quand elles/ils étaient arrêtés et poursuivis, comme c'était souvent le cas. Gaz lacrymogènes, bastonnade, détention et poursuites judiciaires étaient des pratiques de rétorsion communément utilisées contre les manifestants. La torture était aussi une conséquence possible d'une arrestation. Les participants aux actions du Mouvement Sebastián Acevedo n'étaient pas seuls à risquer ces sanctions : c'était aussi le cas des reporters et journalistes voulant faire part de ces actions et des questions qu'elles abordaient. Le nombre des participants à certaines des actions s'est élevé jusqu'à 300. Au total, ce sont environ 500 personnes qui y ont pris part. Il y avait là des chrétiens et des non chrétiens, des prêtres, des moines, des habitants des bidonvilles, des étudiants, des personnes âgées, des femmes au foyer et des membres de plusieurs mouvements pour les droits humains – des gens de toutes les classes sociales, de toutes les idéologies et de toutes les conditions.

L'objectif principal était de mettre un terme à la torture au Chili. Les moyens choisis étaient d'attirer l'attention et d'éveiller les esprits pour développer une prise de conscience par l'ensemble du pays jusqu'à ce que le régime en finisse avec la torture ou que le pays en finisse avec le régime. En 1988, après une vaste campagne pour faire face à l'intimidation, la campagne « Chile sí, Pinochet no » a contribué, à la surprise du dictateur, à faire échouer un plébiscite présenté pour ratifier son mode de gouvernement.

Les efforts ayant vu le jour à cette époque pour mettre un terme à la culture de l'impunité et pour engager la réconciliation nationale se poursuivent, mais les protestations non-violentes ont représenté un important moyen, parmi d'autres, pour faire tomber la dictature.

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Howard Clark

Les premiers appels à un boycott international de l'Afrique du Sud de l'apartheid ont été lancés dès 1958 ; en Grande-Bretagne, le mouvement contre l'apartheid déclenché en 1959 a considéré le boycott comme une stratégie majeure. Au niveau des gouvernements, le système d'apartheid sud-africain a été largement condamné, en particulier après le massacre de Sharpeville en 1960. En 1961, l'Afrique du Sud a été expulsée du Commonwealth (qui s'appelait alors le British Commonwealth) et les Nations Unies ont mis en place en 1962 une Commission spéciale contre l'apartheid, tombant d'accord l'année suivante pour un embargo « volontaire » sur les armes. Cependant, l'apartheid n'a finalement été démantelé que dans les années 1990.

Les sanctions internationales contre l'Afrique du Sud sont intervenues dans trois grands domaines : sanctions économiques, incluant le commerce et l'investissement ; boycott culturel ; et boycott sportif. Ce sont fondamentalement les boycotts culturel et sportif qui ont eu un impact psychologique sur l'Afrique du Sud. L'exclusion des Jeux olympiques, à partir de 1964, d'un pays fou de sport, et plus encore celles du rugby et du cricket au niveau international à partir des années 1970, ont été obtenues par une conjugaison de pressions de la part d'autres États africains et par des manifestations, y compris en perturbant des matches de tennis et de rugby. L'impact qu'ont eu les sanctions économiques fait toujours débat, en particulier parce que deux grandes puissances (la Grande-Bretagne et les États-Unis) ont contourné de façon répétée les déclarations d'organismes internationaux comme les Nations Unies ou le Commonwealth. Quoi qu'il en soit, il y a eu des vagues de mouvements favorables à des « sanctions populaires » – probablement à partir de la révulsion provoquée par le massacre de Sharpeville – lorsque la direction même du Parti travailliste anglais a soutenu l'attitude morale de refuser d'acheter des fruits sud-africains.

Mon implication personnelle a commencé plus tard. À l'université, en 1969, j'ai fait partie des personnes qui voulaient transférer l'élan né du boycott sportif à un boycott économique. Notre syndicat d'étudiant/e/s avait déjà approuvé des résolutions contre l'achat par l'université de fruits produits sous l'apartheid. Nous avons alors entrepris une campagne contre Barclays Bank, qui était à cette époque la banque la plus populaire parmi les étudiant/e/s anglai/se/s et, le hasard faisant bien les choses, celle dont mon université était cliente. Notre premier succès a été de dissuader de nouvelles et nouveaux étudiants d'ouvrir le premier compte bancaire de leur vie chez Barclays et d'en persuader d'autres de changer de banque. Le deuxième succès a été de mener une grève des loyers, en refusant de payer la location de nos chambres sur un compte de Barclays Bank. Les autorités universitaires ont fini par céder, ce qui entraîné la démission de membres fameux du conseil d'administration. Partout dans le pays, des syndicats, des clubs, des associations et des églises ont débattu de la possibilité de changer de banque. J'ai eu maille à partir avec les quakers et le Peace Pledge Union après avoir écrit dans Peace News en 1972 qu'ils n'avaient pas de légitimité à parler de non-violence en Afrique du Sud avant d'avoir fait eux-mêmes le petit geste de déplacer leurs comptes bancaires. Des autorités locales ont décidé de rejoindre le mouvement. En 1986 – seize ans après le début de la campagne de boycott de Barclays –, la banque a vendu ses succursales sud-africaines. Et finalement, là aussi, la chaîne de supermarchés Cooperative a décidé de ne plus commercialiser de produits d'Afrique du Sud. Ce genre de boycott a fortement subi les effets des variations de l'intérêt porté à l'apartheid. Un mouvement favorable a suivi les massacres de Soweto en 1976 et l'assassinat en prison de Steve Biko en 1977 ; il y en a eu un autre dans les années 1980 quand ont fait leur apparition en Afrique du Sud le Front démocratique unifié (UDF) et des porte-parole comme Desmond Tutu. Pendant tout ce temps, en arrière-plan, des militant/e/s de base faisaient voter des résolutions contre l'apartheid dans leurs syndicats et leurs églises, en ayant conscience que ces institutions étaient de grands investisseurs capables d'exercer leur pression sur des entreprises.

En Grande-Bretagne, le boycott contre l'apartheid a été une « longue marche », assez peu spectaculaire dans l'ensemble. Alors que nous avions réussi à persuader les conseils municipaux de faire quelque chose, nous avons dû assister à la suppression par le gouvernement de Margaret Thatcher de leur capacité à prendre des décisions sur de telles bases politiques. Malgré tout, nous avons maintenu dans l'esprit des gens l'existence de liens entre la Grande-Bretagne et l'apartheid.

Dans d'autres pays, les choses ont été différentes. En 1970, les Anglais que nous sommes ont louché avec envie sur le succès du boycott néerlandais du café venant de l'Angola, qui était à l'époque une colonie portugaise étroitement alliée à l'Afrique du Sud. Dans les années 1980, les employés d'une des plus grandes chaînes de supermarchés d'Irlande – Dunne's – ont été jetés à la rue dans le cadre d'un conflit sur la vente de produits issus de l'apartheid, qui a duré quatre ans et a seulement été résolu quand le gouvernement irlandais a déclaré illégaux les produits sud-africains.

Les États-Unis ont été un terrain de lutte particulièrement important. Le mouvement populaire de sanctions avait trois foyers principaux : les universités et campus ; les banques ; et les institutions municipales et nationales. Ses effets ont été considérables. En 1985, après une campagne de dix-neuf ans, la principale banque impliquée en Afrique du Sud – Chase Manhattan – a annoncé qu'elle ne renouvellerait pas ses prêts pour des projets sud-africains. En 1991, 28 états, 24 comtés, 92 villes et les îles Vierges des États-Unis avaient adopté une législation ou une politique imposant des sanctions à l'Afrique du Sud sous une forme ou une autre. Fin 1987, plus de deux cents sociétés états-uniennes s'étaient formellement retirées d'Afrique du Sud, même si beaucoup parmi elles avaient trouvé d'autres façons de poursuivre leurs affaires (General Motors, par exemple, avait placé sous licence sa production locale et IBM avait un distributeur sud-africain). Le bénéfice le plus important de ces campagnes, dans tous les cas, a été l'éducation du public qu'elles ont permise et le sens de la solidarité généré avec le mouvement contre l'apartheid à l'intérieur même de l'Afrique du Sud.

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