Militarisme et justice environnementale

By Shin Soo Yeon, Green Korea United

Traduit du coréen vers l'anglais par Patrick Cunningham. Traduit de l'anglais vers le français par Evelyne Targe.

La Corée du Sud mène en ce moment avec les États-Unis des entraînements militaires conjoints. Il s’agit des opérations annuelles Key resolve / Foal Eagle (du 7 mars au 30 avril 2016). Les États-Unis ont mobilisé pour ces opérations des porte-avions nucléaires, des sous-marins nucléaires, des bombardiers stratégiques ainsi que d’autres moyens militaires. Cette année, les troupes engagées dans ces entraînements militaires mobilisant les États-Unis et la République de Corée sont énormes : on y a dénombré 17 000 américains et 300 000 coréens.

Ces opérations de nature stratégique et agressive visent à l’élaboration d’une attaque préventive sur la Corée du Nord en frappant son commandement tout en simulant des projets de capture directe de sa capitale, Pyongyang.

Les médias considèrent l’envergure de ces exercices comme un avertissement fort des États-Unis en réponse au quatrième essai nucléaire et au lancement d’une fusée longue portée par la Corée du Nord. On ne peut cependant pas considérer ces exercices militaires agressifs comme le chemin vers une nouvelle étape des relations Nord-Sud. Chaque exercice militaire important enclenche un cercle vicieux qui ne fait qu’entraîner un risque accru de conflits et de crises militaires entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Des militants pacifistes se mettent à crier des slogans comme : « Cessez de faire retentir le tambour de la guerre. Arrêtez les entraînements au combat » devant l’ambassade des États-Unis à Séoul et s’engagent dans des manifestations individuelles ou collectives afin de mettre un terme aux manœuvres de guerre.

Les bases militaires à l’origine d’un large éventail de problèmes écologiques

Il est urgent que les problèmes écologiques provoqués par les activités militaires soient mis en lumière. De la pollution sonore causée par les décollage et atterrissages constants des avions de guerre et des stands de tirs à la pollution des sols et des nappes phréatiques par les marées noires. De la pollution de l’eau due à l’évacuation des eaux usées à la pollution aux métaux lourds provoquée par l’utilisation de munitions chargées. Sans oublier de nombreux autres exemples de dégâts écologiques dans des zones résidentielles, y compris l’accident de Ohgyek, qui ont été vastes et généralisés.

La surface terrestre de la Corée du Sud est restreinte. La plupart des accroissements d’utilisation des terres à usage résidentiel se trouvent à proximité d’installations militaires. L’année dernière, il y a eu plusieurs cas de balles perdues qui ont atteint des fenêtres ou les toits de maisons d’habitants de la zone de Pocheon. On a répertorié de hauts niveaux de contamination des sols au pétrole et aux métaux lourds dans les zones à forte concentration de bases militaires américaines comme Pyeongtaek et Daegu. Autour des zones de reconversion de ces anciennes bases, le développement de parcs, d’écoles et d’installations industrielles ont souvent conduit à la découverte de nouvelles contaminations. En 2014, les citoyens de Chuncheon furent si suspicieux et méfiants à l’égard des efforts du gouvernement pour assurer le nettoyage des polluants dans les alentours des installations militaires américaines qu’ils décidèrent de former eux-mêmes une équipe de surveillance des radiations. A l’époque, lorsque le camp Page - une ancienne base militaire américaines aujourd’hui utilisée comme par base d’aviation par la République de Corée - a été réhabilité à Chuncheon, le niveau de contamination au pétrole fut considéré comme très grave, avec un niveau de pollution d’hydrocarbures pétroliers totaux cent fois supérieur au niveau admissible. En 2011, un soldat américain à la retraite a affirmé avoir été témoin d’un accident impliquant une ogive nucléaire au silo nucléaire du Camp Page, dans le sud de Chuncheon. Ce qui suggère le déversement des déchets nucléaires.

Dérogation militaire

La principale raison de l’inquiétude et de la méfiance des citoyens quant à la pollution de l’environnement est imputable au manque d’accès à l’information. Les renseignements relatifs à la pollution environnementale par les installations militaires sont considérés comme relevant du secret d’état et très difficiles à obtenir. Et plus encore lorsqu’il s’agit d’installations des forces armées des États-Unis en Corée (USFK).

Il y a eu deux incidents l’année dernière. L’un d’entre eux concernait l’importation et les essais d’échantillons d’anthrax au sein de la base militaire des forces armées des États-Unis en Corée de Pyeongtaek. Lorsqu’il s’est avéré que des échantillons d’anthrax - substance entrant dans la fabrication d’armes de destruction massive - avaient été importés, testés et utilisés au cours d’entraînements, un groupe de militants s’est organisé en un réseau de masse. En l’espace d’une semaine, 8 500 personnes ont demandé que les responsables soient poursuivis. D’autre part, une pétition signée par 10 500 personnes et exigeant que des investigations soient menées à partir de plusieurs allégations fut soumise au Département de la Défense. Une demande ultérieure pour un entretien a été refusée. Non seulement des cargaisons ont trouvé leur chemin jusqu’à la base militaire des forces armées des États-Unis à Pyeongtaek, mais on a appris que des expériences sur des échantillons d’anthrax et le bacille de la peste avaient également été menées à Yongsan, la base militaire américaine de Séoul. Cependant, d’après les gouvernements coréen et américain, ces échantillons ont depuis été éliminés en toute sécurité. En raison des risques associés élevés, de telles expériences sont habituellement menées dans le désert par les militaires américains. Cela défie l’entendement que de telles expérimentations ait pu être autorisées dans une ville densément peuplée et que personne n’assume la responsabilité de telles actions. En outre, le gouvernement a indiqué qu’il produira les conclusions d’une enquête sur la pollution interne de la base militaire de Yongsan, jusque-là tenue dans la confidentialité. Ce qui est en jeu, c’est l’obtention de conclusions et de données objectives de l’enquête environnementale. Mais, en raison de la nature sensible des négociations en ce qui concerne la réhabilitation de bases militaires, le gouvernement se dit préoccupé que la publication de telles conclusions puisse compromettre tout le processus. Une action en justice à l’encontre du gouvernement, exigeant la publication intégrale des constatations, a été intentée.

Qui paiera pour l’assainissement de l’environnement ?

Les êtres humains ne sont pas les seuls à faire les frais du fonctionnement des bases militaires. Des résidents de Gangjeong et des militants pacifistes sont engagés depuis neuf ans dans l’opposition à la construction de la base navale de Jeju le long d’un littoral vierge qui abrite des espèces menacées et une colonie de coraux mous, parmi lesquels se trouve un « monument naturel ». La marine a obtenu l’autorisation de poursuivre la construction des travaux à la condition que les colonies de coraux mous, ainsi que le « monument naturel », soit protégés de tout dommage. Cependant, les résultats de la surveillance en cours menée par des résidents et des groupes écologistes au fil des ans ont démontré que l’habitat des coraux mous avait souffert de dommages sensibles et de détériorations. Sous le prétexte de la sécurité nationale, l’alliance États-Unis – République de Corée mène en ce moment des exercices militaires conjoints. Les tensions sont très importantes dans la péninsule et les intimidations se poursuivent sans répit. Le gouvernement et les médias traditionnels voient dans la promotion du militarisme et la course à l’armement l’unique solution aux conflits. L’accès aux informations est refusé au public mais c’est au contribuable de régler la note des dégâts écologiques causés par le militarisme. Est-ce juste ou équitable ? L’argent arrivera-t-il jamais à réparer ces dégradations environnementales ?

Dans ses recherches à propos des « coûts environnementaux du militarisme », Bryan Farrel a conclu que la plus grande agression de l’environnement dans le monde est perpétrée par les forces armées des États-Unis. L’activité militaire contribue à la contamination à l’uranium appauvri et à d’autres substances toxiques de plusieurs hectares de terrain dans les écosystèmes du monde entier. Aussi, le programme de sécurité environnementale de l’institut de recherche national indique que : « Bien qu’il n’y ait pas de preuve concrète basée sur des recherches concrètes, la militarisation joue indéniablement un rôle en tant que facteur important contribuant au réchauffement climatique et à la destruction de la couche d’ozone... »1 (affirmation basée sur des données historiques). En effet, lorsqu’on observe les données nationales et internationales des estimations de consommation de pétrole par les activités militaires, à la fois pendant et en dehors des périodes de guerre, il n’y a pas de doute sur le fait que le militarisme est à considérer, à juste titre, comme l’un des principaux contributeurs au changement climatique.

Il est scandaleux que le gouvernement affirme d’une part promouvoir et travailler pour la paix tout en détruisant d’autre part l’écosystème en poursuivant les préparations d’une guerre sans fin, gaspillant ce faisant des ressources précieuses, et dévastant ainsi la planète. Si nous nous contentons d’observer passivement, nous sommes également complices de remettre à plus tard la « justice environnementale » et la « justice climatique ». Il est temps que les mouvements pacifistes et écologistes travaillent ensemble solidairement afin qu’advienne une véritable « justice ».

 

Traduction anglaise par Patrick Cunningham 

1 Bae Jae Jin, le rôle des militaires dans la promotion de la politique de sécurité environnementale, 2014

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