La façon de préparer ses actions est un défi à relever pour tout mouvement non-violent. Depuis l'occupation en 1976 aux États-Unis de la centrale nucléaire de Seabrook, dans le New Hampshire (voir « Seabrook-Wyhl-Marckolsheim », p. ), un certain nombre de campagnes non-violentes en Occident ont privilégié le recours à un modèle de groupe d'affinité associé à un processus de prise de décision par consensus. Cette section du manuel présente cette modalité.

Groupes d'affinité

Les « groupes d'affinité » sont des groupes autonomes comprenant de 5 à 15 personnes. En ce sens, un groupe d'affinité est un groupe de personnes qui n'éprouvent pas seulement de l'affinité les unes envers les autres, mais qui connaissent aussi leurs forces et leurs faiblesses respectives et se soutiennent mutuellement lorsqu'elles participent (ou ont l'intention de participer) ensemble à une campagne non-violente. Les groupes d'affinité et les conseils de porte-parole (voir p. ) récusent le mode de prise de décision fondé sur la hiérarchie et la domination ; ils organisent et autonomisent celles/ceux qui s'impliquent dans l'action directe et créative. Ils permettent aux personnes d'agir ensemble d'une manière décentralisée et non hiérarchique en attribuant au groupe d'affinité le pouvoir de la prise de décision. Des groupes d'affinité ont été utilisés d'une façon constructive lors des actions massives aux États-Unis contre la mondialisation (à Seattle, en 1997), à l'occasion de mouvements de protestation antinucléaire en Europe et en Amérique du Nord (à partir des années 1970) et dans le cadre d'autres actions non-violentes de plus ou moins grande envergure dans de nombreux pays.

Avec qui créer un groupe d'affinité ?

La réponse simple est : avec des gens que vous connaissez et qui ont des opinions identiques aux vôtres sur le ou les sujets en cause, ainsi que sur les méthodes d'action auxquelles recourir pour y faire face. Il pourrait s'agir de personnes que vous ayez rencontrées lors d'un séminaire de formation, avec lesquelles vous travaillez, que vous fréquentez ou avec lesquelles vous partagez votre vie. Il faut toutefois insister sur la nécessité que vous ayez quelque chose d'autre en commun que le sujet qui vous fait vous rapprocher, et que vous vous fassiez mutuellement confiance.

Un aspect important de l'appartenance à un groupe d'affinité est le fait de connaître les points de vue de chacun/e à propos de la campagne ou du sujet et ses méthodes d'action préférées. Cela peut supposer de devoir passer du temps ensemble, de débattre des sujets et des méthodes d'action, de réaliser ensemble une formation ou une activité en rapport avec son engagement (comme participer à un stage), ou de travailler à la façon de réagir à la tactique d'un adversaire ou de la police (contre-manifestations, campagnes de désinformation, agents provocateurs, par exemple). Vous devriez développer une conception commune de ce que vous attendez individuellement et collectivement de l'action/de la campagne, de la façon dont elle pourra se dérouler, du soutien extérieur qui vous sera nécessaire et de ce que vous pourrez vous-même donner aux autres. Cela facilite les choses d'être d'accord sur un certain nombre d'éléments fondamentaux concernant l'action : son degré d'activité, de spiritualité, de non-violence ; la profondeur de la relation, l'appréciation du risque d'être arrêté, à quel moment vous pourriez vous porter caution, votre point de vue politique d'ensemble, vos méthodes d'action, etc.

Fonctionnement d'un groupe

Travailler en groupe, que ce soit dans nos propres familles, à l'occasion de stages ou dans des structures permanentes, est une des activités sociales les plus élémentaires et représente une large part du travail pour le changement social. Il est par conséquent important que des groupes travaillant pour le changement développent des méthodes efficaces, satisfaisantes et démocratiques pour réaliser les tâches nécessaires, à la fois pour leur usage interne et pour les partager avec d'autres.

Éliminer les structures hiérarchiques et autoritaires est une façon de démocratiser les groupes, mais cela ne signifie pas qu'il faille rejeter toute structure quelle qu'elle soit. Un bon groupe a besoin d'encourager la créativité, le travail en commun et l'efficacité, en une combinaison favorisant le développement de la non-violence en nous-mêmes et dans notre société. Le bon fonctionnement d'un groupe résulte de structures coopératives et de la participation intelligente et responsable des membres du groupe.

Accords / Règles de base

Même s'agissant d'un groupe informel où chacun est décontracté, il est sage de définir un accord du groupe sur des règles de base. Un contrat de groupe ou un ensemble de règles pour le stage ou pour le groupe, que chacun accepte, est un fondement très utile pour le fonctionnement d'un groupe. On peut s'y référer si des difficultés se manifestent. Et l'on peut, cela va de soi, l'adapter ou le modifier. C'est le groupe qui décide ce qu'il y mettra. Par exemple, un groupe pourrait convenir de commencer les réunions à l'heure, de favoriser une participation égale de tou/te/s, de prendre les décisions par consensus, d'adopter des tours de parole pour faciliter le travail en groupe, que ne parle qu'une seule personne à la fois, que chacun ne parle qu'en son nom propre, de respecter la confidentialité, de ne pas faire obstruction à une question ni de la traiter de stupide, de ne pas permettre les agressions verbales, de ne pas proposer le nom d'un/e autre comme « volontaire », etc. Ces règles de base sont maintenant familières à bien des gens, de sorte qu'un/e facilitatrice/-teur pourrait esquisser une liste que le groupe sera ensuite en mesure d'adapter. Il est important que chacune des personnes du groupe donne clairement son assentiment afin que le « contrat » soit établi entre tou/te/s.

Un point pouvant nécessiter un éclaircissement est le sens du mot « confidentialité » pour un tel groupe. S'agit-il de ne rien rapporter du contenu du stage, ou cela signifie-t-il que les grands thèmes et ce qui a été fait peuvent être commentés mais qu'aucun propos ni action ne peut être attribué directement à quiconque, ou cela veut-il seulement dire qu'il ne faut pas répéter les récits personnels des membres du groupe ? Plus le stage sera long, plus intense ou personnel sera le sujet traité, moins les personnes seront habituées au travail de groupe, ou plus la question sera sensible, plus vous devrez consacrer de temps à éclaircir et définir les règles de base. N'oubliez pas que, si la situation du groupe change, il peut souhaiter revoir le « contrat » et décider de modifier les « règles ». C'est une différence importante entre des règles imposées à un groupe et des règles qu'un groupe définit d'un commun accord pour cheminer selon sa propre volonté.

(Asterisco) Voir aussi « Principes de la non-violence », p. .

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