Colombia

Ce rapport pays a été mis à jour en 2021. Pour l'instant, il n'est disponible qu'en Espagnol.

 

Mis à jour en février 2017; chercheur Victoria E. Giraldo

Problématique :

  • Le recrutement illégal persiste dans la plupart des grandes villes de Colombie. Bien souvent, il est ignoré par les autorités;

  • Aucune loi ne régit le droit à l’objection de conscience, bien que ce droit ait été reconnu par la Cour constitutionnelle;

  • Le recrutement forcé est pratiqué par des groupes armés non étatiques.

1 Conscription

La conscription existe

Tous les hommes âgés entre 16 et 28 ans sont astreints au service militaire. Tout homme doit déterminer sa situation militaire avant l'âge de 18 ans1, même s'il a droit à une dispense ou un report de service. Les écoles doivent fournir à l’armée une liste des élèves en dernière année du lycée. Dans certains districts, les élèves sont admissibles à la conscription même s’ils n’ont pas encore terminé leurs études. Une fois enrôlés, ils sont soumis à des tests psychologiques et physiques. Les autorités organisent ensuite un tirage au sort pour sélectionner les soldats réguliers (qui servent entre 18 et 24 mois), les soldats célibataires (qui servent 12 mois), les policiers (qui servent 12 mois) et les soldats paysans (qui servent entre 12 et 18 mois), selon les besoins des autorités locales et des districts militaires. Chacun des districts militaires locaux détermine le type de soldat dont il a besoin et la durée du service.

Report de service et motifs de dispense

C’est la loi 48 de 1993 qui régit le service militaire. Bien que le service militaire soit obligatoire pour tous les hommes adultes, la loi prévoit certaines exemptions. Celles-ci comprennent (i) les exemptions régulières (sans indemnité compensatoire) et (ii) les exemptions en temps de paix (avec indemnité compensatoire).

Exemptions régulières : elles sont accordées (i) aux personnes ayant un handicap physique et sensoriel et (ii) aux autochtones qui résident sur leur territoire et qui conservent leur intégrité culturelle, sociale et économique.2

Dans le premier groupe, les citoyens qui ont des déficiences d’ordre cognitif ou mental n'ont pas de difficulté à obtenir leur exemption. Cependant, le processus n’est pas aussi simple pour les autochtones. Récemment, la Defensoria del pueblo a publié une liste d’actes qui violent systématiquement les droits des peuples autochtones, dont le droit d’être dispensé du service militaire. L’armée évalue la véracité des informations fournies par ceux qui revendiquent le statut d’Autochtone en se basant soit sur un recensement périmé, soit sur un certificat délivré à un particulier par sa communauté, que les autorités ne reconnaissent pas toujours.

En temps de paix, des exemptions sont accordées (a) aux prêtes et aux religieux qui se consacrent à temps plein à leur fonction; (b) aux prisonniers dont les droits politiques ont été suspendus; (c) aux enfants uniques; (d) aux orphelins qui ont des frères ou des sœurs à leur charge; (e) aux enfants qui ont un père handicapé âgé de 60 ans et plus; (f) aux frères ou aux enfants de militaires blessés pendant le services militaire; (g) aux hommes mariés; (h) aux personnes souffrant d’invalidité partielle; et (i) aux enfants des officiers de la Fuerza Pública (force publique) qui ont été tués ou sévèrement handicapés au combat ou pendant le service militaire.3

En outre, la loi 1448 de 2011 ajoute une exemption supplémentaire en temps de paix (sans indemnité compensatoire) à toutes les victimes du conflit armé qui ont déterminé leur condition par l’intermédiaire du système d’enregistrement des victimes.

La loi n° 48 de 1993 prévoit également la possibilité, pour certaines personnes, de reporter leur service obligatoire, notamment : (a) les personnes qui ont un frère qui effectue son service militaire obligatoire; (b) les personnes détenues ou arrêtées par les autorités civiles lors des périodes de recrutement; (c) les personnes temporairement handicapées; (d) les personnes qui ont été acceptées pour étudier, ou qui étudient, dans des établissements reconnus par les autorités ecclésiastiques, comme les centres de préparation à la vie religieuse ou à une carrière cléricale; (e) les personnes admises dans une école militaire ou une académie de police; (f) les élèves en dernière année du lycée, qui seraient dans l’impossibilité de terminer leurs cours; et (g) les hommes conscrits qui demandent une exemption en vertu de la présente loi.

La loi no. 548 de 1999 y ajoute les jeunes hommes qui poursuivent des études universitaires. En 2001, il a été précisé que les étudiants inscrits à un programme de premier cycle pouvaient attendre la fin de leurs études pour déterminer leur situation militaire.4 Malheureusement, dans les districts militaires, l’enseignement supérieur n’est pas interprété de la même façon : outre les études universitaires, certains y incluent l’enseignement technique alors que d’autres l’excluent. De plus, les individus qui ne déterminent pas leur situation à la fin de leurs études ne peuvent obtenir leur titre professionnel.

Le recrutement forcé

De façon arbitraire, des hommes sont conduits contre leur gré vers des casernes militaires où ils sont contraints de s’inscrire, de passer des examens et, s’ils sont jugés aptes, d’intégrer immédiatement dans l’armée. Même si la Cour constitutionnelle a interdit de telles rafles, appelées batidas, elles persistent et sont effectuées le plus souvent avec des moyens de transports non identifiés, tels que des camions sans plaque ou des autobus scolaires.5 En général, elles se déroulent à Bogota et sont menées par des districts militaires d’autres régions. Par conséquent, les hommes recrutés illégalement sont transférés vers d’autres villes où les autorités vérifient leur situation militaire et, s’ils sont jugés aptes, sont immédiatement enrôlés.

2. L’objection de conscience

La décision constitutionnelle C-728 de 2009 reconnaît que l’objection de conscience constitue un motif raisonnable pour être dispensé du service militaire. Cependant, elle précise également qu’il n’est pas nécessaire d’adopter une réglementation pour définir ce droit. En d’autres termes, une telle loi n'existe toujours pas. Après quelques efforts politiques pour réglementer l’objection de conscience6, les débats n’ont pas beaucoup retenu l’attention du public et ont toujours été mis de côté. Certes, des règles juridiques secondaires applicables existent. Cependant, la méconnaissance des autorités, la difficulté à évaluer la preuve et le silence judiciaire signifient concrètement que ce droit n’existe pas.

Selon les chiffres de l’Agence nationale de recrutement, 80 % des cas d’objection de conscience invoquent des raisons religieuses et 20 % des motivations éthiques et philosophiques. Avant 2005, cinq causes ont été gagnées. Le premier cas d’objection de conscience a été résolu en 2009, mais peu de conscrits sont au courant. Selon Diego Carreño, membre de l’Accion colectiva de objetores y objetoras de conscienca (ACOOC), quatre cas sur cinq ont invoqué des motivations religieuses, et un des raisons politiques.

3. Insoumission et désertion

Pour être dispensé du service militaire obligatoire, il faut : (a) invoquer l’une des quelconques raisons prévues à l’article 28; (b) être atteint d’une incapacité; ou (c) que le quota de soldats d’un district soit atteint, dans ce cas le dossier de l’individu sera considéré comme « classé » et ce dernier devra payer une contribution financière au Trésor national, appelée « frais de compensation militaire ». Le montant minimum de cette compensation militaire ne sera pas inférieur à 50 % ou 60 % du salaire minimum légal mensuel. Le revenu familial total et les avoirs de la personne concernée, ou de la personne envers qui il ou elle dépend financièrement, serviront de base à ce calcul.

Actuellement, les jeunes qui se soustraient au recrutement ou qui ne sont pas enrôlés doivent payer une amende équivalant à 50 % ou 60 % du salaire minimum légal mensuel. Ceux qui échappent à l’armée, mais qui effectuent leur service militaire plus tard n’ont pas à payer d’amende ou de frais de compensation. Les Colombiens qui ne déterminent pas leur situation encourent non seulement une amende, mais se voient également refuser l’accès à un certain nombre de biens et services, ainsi qu’à leurs droits à l’éducation et au travail. Par conséquent, la sanction la plus sévère et la plus coercitive pour ce qui est considéré comme une insoumission ou une désertion est la perte évidente de la citoyenneté civile et politique.

Il n’existe aucune procédure pour s'assurer que les citoyens qui bénéficient d’une dispense ou d’un report de service soient immédiatement déchargés de leur obligation. Il faut entre 20 et 40 jours pour être déchargé de son obligation, même après avoir passé les tests d’exemption ou de report. Souvent, les autorités militaires refusent de suivre la procédure pour des raisons purement bureaucratiques. Il y a eu des cas qui ont pris jusqu’à quatre mois avant d’être résolus.7

Le recrutement forcé par des groupes armés non étatiques

Le recrutement forcé, même d’enfants, par des groupes armés non étatiques existe également. La sentence C-781 de 2012 rendue par la Cour constitutionnelle exige que chaque enfant mineur, garçon ou fille, recruté ou utilisé par la guerrilla et les groupes paramilitaires à des fins de guerre ou de renseignement, soit reconnu comme victime de guerre. De cette façon, ces enfants seraient couverts par une clause d’exemption, c’est-à-dire qu’ils ne pourraient plus être recrutés.

STATISTIQUES

Les données fournies par les autorités du recrutement révèlent que la majorité des Colombiens qui effectuent leur service militaire obligatoire ont entre 19 et 21 ans.

(Source: http://www.defensoria.gov.co/public/pdf/ServicioMilitarObligatorio.pdf)

(Source: http://www.defensoria.gov.co/public/pdf/ServicioMilitarObligatorio.pdf)

De même, il est évident que la plupart des soldats appartiennent aux strates 0, 1 et 2, c’est-à-dire aux strates socioéconomiques inférieures. En d’autres termes, ce sont de jeunes soldats qui n’ont que peu de ressources économiques

BIBLIOGRAPHIE

1 Bien que la Convention relative aux droits de l’enfant fixe à 15 ans l'âge minimum de recrutement, il est établi à 18 ans dans la législation colombienne. Même avec la permission des parents, un enfant de moins de 16 ans ne peut être recruté.

248 - 1993, Art. 27.

348 - 1993, Art. 28.

4 642 - 2001, Art. 1.

5 Cas signalés par la Defensoría del Pueblo. Pour plus d’informations, consultez le site : http://www.defensoria.gov.co/public/pdf/ServicioMilitarObligatorio.pdf

6 Pour plus d’informations, consultez le site : http://www.defensoria.gov.co/public/pdf/ServicioMilitarObligatorio.pdf

7 Ce problème a été signalé par la Defensoría del Pueblo - Regional Boyacá. Notamment, les cas d’Alexánder Pérez, de Cristian Javier Pérez et de Holan Steven Mayorga Vanegas.

 

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